Le talent ne se mesure pas (toujours) au nombre des années. On en veut pour preuve Papir, jeune trio danois qui, avec Stundum, sa seconde galette après un jet éponyme déjà prometteur, franchit toutes les étapes, propulsé parmi les plus grands ! Bon, d'accord mais, Papir, qu'est-ce que c'est ?
Comme (beaucoup) d'autres de sa génération, le groupe propose un voyage dans le temps, vers les années 60 et surtout 70. Rien de bien de original jusque-là donc, si tant est que l'originalité soit ce que recherchent aussi bien ces musiciens nostalgiques et les fans du genre. 100% instrumental est par contre le format que les Danois exploitent, leur nature de power-trio étant la rampe de lancement idéale pour ce type de Rock psyché. De là découle un aspect de jam, de happening sonore particulièrement marqué et qui l'est plus encore sur Stundum lequel, comme le nom de ses six pistes le laisse deviner, a été en fait capturé sur quatre jours entre le samedi 18 décembre 2010 et le mardi 21 !
On aurait pu craindre que le résultat pâtisse de cette élaboration aux allures de répétions enregistrées, et ne se réduise qu'à un empilement de plans, de soli, certes éblouissants mais sans queue ni tête. Il n'en est rien et c'est là tout le talent et la magie de Papir qui réussit le double pari de proposer une musique toujours construite, à aucun moment bordélique, et de ne jamais ennuyer tout du long d'une écoute s'étalant, excusez du peu, sur près de 80 minutes ! Coincés entre deux pistes relativement courtes (comprendre, moins de 10 minutes), le très psyché "Sunday #1" et "Tuesday #2", sorte d'outro aux confins de l'Ambient, ce sont quatre pavés oscillant entre 15 et 20 minutes au jus qui s'enchaînent : orgasme garanti !
Papir cultive une approche du genre totalement décomplexée dans sa démesure. Guitare stratosphérique et généreuse, et rythmique aux petits oignons, alimentent ces titres qui sont autant de pistes de décollage vers l'infini, tour à tour Rock, jazzy ou plus délicat ("Tuesday #1" et ses ambiances soyeusement hypnotiques). Mention spéciale à "Monday" qui justifie à lui seul l'achat de cette rondelle du feu de dieu, véritable pandémonium orgiaque qui évolue tout d'abord crescendo en une montée en puissance fiévreuse au bord de la rupture, avant de dériver en de longues minutes comme suspendues dans l'espace. Tout doucement, piloté par une guitare jouissive, parfois noyé sous les effets, le tempo reprend de plus belle jusqu'à l'éjaculation finale. S'il ne devait en rester qu'un, ce serait donc celui-ci, même s'il serait dommage de passer à côté du reste, tout aussi grandiose.
Vous l'aurez compris, Stundum se révèle être un album indispensable auquel seule notre réticence à recourir à ce type de superlatif galvaudé, nous empêche de lui accoler le titre de chef-d'œuvre !