Loin des polémiques de la fin des années 90, Cradle Of Filth est devenu un groupe comme les autres dans le paysage métallique, que l'on retrouve périodiquement avec un album. Ce 9ème chapitre, "Godspeed On The Devil's Thunder", voit le jour 2 ans après "Thornography. Mais si le groupe s'est installé dans une certaine routine d'écriture, il n'en va pas de même pour son line-up. Adrian Erlandsson a déserté et est remplacé par Martin Skaroupka, alors que Charles Hedger est déjà parti. L'album raconte l'histoire de Gilles De Ray, compagnon de Jeanne d'Arc, guerrier aguerri devenu une figure légendaire du mal par sa vie de débauche et d'assassinats qui lui ont valu le surnom de Barbe Bleue. En fait, De Ray et sa décadence ne pouvaient que plaire à un Dani Filth grand amateur de ce genre de personnages. Assez touffue, cette offrande est voulue par le groupe comme un retour à ce qu'il faisait avec le conceptuel "Cruelty And The Beast" et tout cela fonctionne, même si Cradle ne se réinvente guère et a perdu de cette folie qui faisait son charme. Le groupe reste dans sa lignée avec un heavy-black symphonique et atmosphérique souvent assez accessible et où le chant de Dani reste la seule véritable marque black de l'ensemble.
Il en ressort un disque assez dense et homogène qui fait la part belle aux ambiances et à l'histoire contée. Le disque est construit comme une bande originale d'un film et l'ensemble est plus homogène et moins axé sur les chansons, n'en ressortant que deux titres dont un s'imposant comme l'un des plus faciles d'accès de Cradle of Filth. Avant cela, il y a l'introduction d'ambiance et le titre bourrin qui permet de rentrer dans l'album. Cette fois c'est "Shat Out Of Hell" qui est chargé de cette mission et la remplit à merveille. D'une brutalité féroce, de la batterie mitraillette aux vocaux en passant par les riffs d'Allender, le groupe laisse peu de place pour souffler. De plus, le refrain frappe méchamment et fait de ce titre un des très bons écrits dans le genre par le groupe. "The Death Of Love" est un tube complet, accrocheur et mélodique et magnifié par la voix angélique de Carolyn Gretton. Dans la lignée d'un "Nymphetamine", ce titre confirme la facilité de Dany et sa bande à écrire des titres aux contours heavy gothiques raffinés de grande classe.
On rentre ensuite de plein pied dans le concept avec nombre de longs titres à ambiances, et même si le groupe maitrise son propos, il n'évite pas quelques longueurs. Malgré tout, le soin apporté à la narration de la vie de Gilles De Ray mérite un certain respect et quelques morceaux sortent un peu du lot. Ainsi, "The 13th Cesar", "Sweetest Malefica", ou "Honey And Sulphur" sont de bonne qualité avec un aspect furieux sympathique. Paul Allender s'y fait plaisir, balançant riffs et soli typiquement heavy métal tandis que Dani crache ses tripes avec conviction, visiblement motivé par le thème abordé. Par contre, Cradle abuse un peu des passages narratifs et a tendance à se répéter avec des titres assez similaires et longuets. "Midnight Shadows Crawl To Darken Counsel With Life", "Ten Leagues Beneath Contempt" et "Darkness Incarnate" n'apportent pas grand-chose et alourdissent la fin de l'album, sonnant comme du Cradle générique d'un style bien éprouvé.
Malgré ses défauts, "Godspeed On The Devil's Thunder" reste un album solide de la part de Cradle Of Filth. Il n'a certes pas le charme des débuts ni celui de certains disques récents, mais ses qualités lui permettent d'être un cru tout à fait acceptable. On sent cependant la routine s'installer grandement. Dani et ses hommes vivent largement sur leurs acquis et n'inventent plus grand-chose de neuf. Après 15 ans de carrière, le groupe semble à la croisée des chemins de sa carrière, à la recherche d'un second souffle.