Depuis 2004 et la sortie du projet Kalevala, le magazine Colossus produit de façon régulière et avec plus ou moins de bonheur, de nouveaux concepts centrés sur une thématique précise, littéraire, cinématographique ou musicale, et regroupant plusieurs groupes contactés pour écrire et interpréter un titre inspiré par le sujet.
Après les trois volumes consacrés à la trilogie de Dante, ayant vu la production de pas moins de 12 CD pour une somme de musique frôlant l'indigestion, le nouveau projet s'attaque cette fois à l'univers de H.P. Lovecraft, auteur américain du début du 20è siècle ayant produit une œuvre mêlant fantastique, science fiction, horreur et réflexions sur l'humanité.
Du côté de la musique, le cahier des charges de ces différents projets reste peu ou prou le même, en restant ancré dans le rock progressif issu des années 70. Cette aventure en terres "lovecraftienne" n'échappe pas à la thématique, et au regard de la liste des groupes présents sur ces trois heures de musique, le moins que l'on puisse dire est qu'il ne s'agit pas d'un rôle de composition pour la majeure partie d'entre eux. Une nouvelle fois, Colossus marie quelques têtes d'affiches habituées des lieux (Nexus, Glass Hammer, Guy Leblanc, Simon Says …), avec des groupes émergents se trouvant dans l'actualité progressive récente (Daal, Aether, D'Accord …) et quelques autres aux destinées plus obscures dans nos contrées (Sithonia, Safara, Jinetes Negro …), offrant à ces derniers une exposition pour le moins inespérée.
Concernant la thématique littéraire à la source du coffret magnifiquement illustré par un abondant livret de 64 pages, je laisserai aux connaisseurs de l'œuvre le soin de se faire leur propre opinion quant au respect du cahier des charges par les différents intervenants. Sur la forme, il faut souligner les efforts faits par certaines formations pour coller quelques ambiances fortement évocatrices, avec en tête de gondole Karda Estra, Ciccada, Nexus ou encore Aether. La palme revient cependant à Simon Says qui, s'écartant de ses habituelles influences "genesiennes", se fend d'un passionnant morceau dans lequel le groupe profite à plein de ces 10 minutes pour multiplier les ambiances et les thèmes. Exercice de style pleinement réussi en l'occurrence.
Autre découverte intéressante, Ars Ephemera, formé par l'ancien clavier de The Musical Box, nous propose un morceau mêlant musique contemporaine portée par des instruments à cordes, et séquences façon Tony Banks de toute beauté. Toujours du côté des "révélations", Jinetes Negros et son progressif symphonique venu d'Argentine nous colle des frissons dans le dos avec ses chœurs majestueux, évocateurs d'un univers sombre et inquiétant.
Globalement, le niveau de ce triple album se révèle d'excellente qualité, et les quelques déceptions (Kate, Safara et Attilio Perrone) ) ne viennent en aucun cas entacher le plaisir d'écoute, permettant sans problème d'enchaîner les trois heures de musique sans la moindre lassitude. Probablement une des plus belles réussites dans la longue liste des productions initiées par Colossus.