Décidément, cette deuxième décennie du vingt et unième siècle est riche en 'remixed', 'reissues' et autres 'revisited' ... Sans doute les artistes ayant créé le prog dans les 70's, et dont l'âge actuel tourne en moyenne autour de la soixantaine, ressentent-ils une certaine nostalgie qui les poussent à faire revivre, quarante ans plus tard, quelques pièces ou albums incontournables.
Dans ce courant de 'revival', la démarche de La Maschera Di Cera, qui n'est pas un groupe des 70's, est tout à fait originale. Fabio Zuffanti, qui n'est jamais à court de projet, a imaginé donner une suite à un monument du prog italien sorti en 1973 : "Felona e Sorona", oeuvre de ses aînés et compatriotes Le Orme. Basée sur l'affrontement du bien et du mal, conceptualisé par le combat des planètes Felona et Sorona, l'histoire s'achevait sombrement sur le titre "Ritorno Al Nulla" (retour au néant). L'optimisme de Zuffanti fait donc démarrer sa version moderne de cette lutte par "Ritorno Dal Nulla" (retour du néant). Afin que nul doute ne subsiste sur la filiation des deux albums, on entendra clairement dans ce premier titre quelques phrases musicales directement empruntées à son ancêtre presque éponyme.
Puisqu'il fallait rester dans le ton pour que cette 'revanche' de Sorona sur Felona soit crédible, le quintet italien utilise nombre d'instruments et/ou sonorités 'vintage' (Fender Rhodes, Hammond, Mellotron, Birotron, Mini-Moog, ...). Mais l'album s'intitule "Le Porte Del Domani" (Les portes de demain) et, pour que cette ouverture vers l'avenir prenne tout son sens, Zuffanti fait évoluer le style des compositions avec génie. On retrouve les inspirations médiévales chères aux pionniers du prog sur "La Guerra Dei Mille Anni", puis on évolue vers le néo des 80's avec "L'enorme Abisso" ou "Viaggio Metafisico" pour finir avec un style plus moderne dans le titre de clôture, "Alle Porte Del Domani". Aucun moment faible ne vient contrarier ce voyage dans le temps servi par d'excellent musiciens au sommet de leur art. La voix puissante d'Alessandro Corvaglia donne à cet album une intensité sensiblement plus forte dans la version italienne.
L'évocation de ce chant italien amène à préciser que, à l'instar de "Felona e Sorona", "Le Porte Del Domani" existe également en version anglaise sous le titre "The Gates Of Tomorrow". Ultime raffinement pour cet opus, la peinture illustrant son livret, signée Lanfranco, a été créée en 1968 en même temps que celle qui ornait la pochette de "Felona e Sorona". Elle est utilisée en version rouge pour "Le Porte Del Domani" et en version bleu pour "The Gates Of Tomorrow".
La Maschera Di Cera nous offre là une oeuvre plus qu'originale à plus d'un titre. Ses qualités musicales la hissent au niveau de son prédécesseur "Petali di Fuoco" et ne reste plus que le cruel dilemme du choix entre la version italienne plus authentique et l'anglaise au texte plus accessible. Les amateurs du groupe refusant l'alternative cornélienne se procureront surement les deux !