A l'aube de la sortie du 10ème chapitre des aventures de Cradle Of Filth, il faut être réaliste et admettre que le groupe britannique a perdu l'aura maléfique qui faisait son charme une dizaine d'années auparavant. Le groupe fait partie des meubles et a été dépassé niveau violence par pas mal de jeunes formations. Signe des temps et des modes, Cradle a quitté Roadrunner pour rejoindre Peaceville, label plus modeste. James Mcllroy est lui revenu dans un groupe que Sarah Jezebel Deva, plus souvent figurante que membre du groupe, a déserté. Le groupe se résume de plus en plus au seul duo Dani Filth et Paul Allender. De fait, l'annonce de ce nouveau concept-album, "Darkly, Darkly, Venus Aversa", ne motive pas forcément tant cela semble banal et convenu. De plus, le thème, centré autour du démon Lilith, 1ère femme d'Adam, est tout aussi banal tant ce genre d'histoires a été travaillé par le groupe sur "Godspeed On The Devil's Thunder" dont il semble être le pendant féminin. Malgré tout, on se prend à espérer un bon disque, à défaut d'avoir un classique comme dans le passé, Filth et Allender ayant souvent prouvé qu'ils avaient encore un bon sens du titre et de la mélodie qui font mouches.
Mais cette foi que l'on garde envers le groupe ne suffit pas à masquer la faible inspiration et le niveau bien bas de ce 10ème chapitre. Cradle Of Filth récite son heavy black à tendances symphoniques sans guère de génie ni même de passion. Tout cela donne un album trop homogène, à la fois bien long et répétitif, pas mauvais en soi, mais d'une rare banalité, sonnant comme le générique d'un groupe coincé dans ses habitudes. Cradle abuse des morceaux à ambiances qui se ressemblent tous et manquent singulièrement de rage et de méchanceté. De plus, Allender peine cette fois à sortir riffs et soli marquants, les orchestrations omniprésentes barrant le passage aux guitares. En fait, toute la 1ère partie de l'album a des allures de bande-son de film de série B et, de "The Cult Of Venus Aversa" à "One Foul Step From The Abyss" en passant par "The Nun With The Astral Habit" et "The Persecution Song, il ne se passe pas grand-chose. Cradle raconte l'histoire de Lilith sans folie et sans la passion que demanderait un tel personnage, et se plante dans les grandes largeurs tant l'ennui s'installe rapidement après tant de titres semblables.
Heureusement, la 2ème partie retrouve des couleurs et évite le naufrage complet. Quand Cradle ne se prend plus pour un compositeur de films gothiques et symphoniques et écrit de vraies chansons, il redevient en partie le groupe que l'on connait. Et c'est "Lilth Immaculate" qui lance la révolte, violent, puissant, à la mélodie entêtante et doté d'un refrain parfait, il nous fait retrouver le Cradle que l'on aime. Ensuite, avec "The Spaw Of Love And War" et "Harlot On A Pedestal", le groupe nous fait oublier ses errements avec des titres rageurs et efficaces, emprunts de ce vice que réclame le thème de l'album. Enfin, avec "Forgive Me Father", Cradle signe le tube accessible habituel. Très soft avec la douce voix de Dora Kemp, Dani y chantant souvent en voix claire, le titre est accrocheur et mélodique, digne de la marque de fabrique du groupe depuis quelques albums.
Malgré ce sursaut d'orgueil final, "Darkly, Darkly, Venus Aversa" reste un album décevant de la part d'un Cradle Of Filth trop souvent branché sur le pilote automatique. Avec les années, les Anglais se sont pas mal assagis et semblent avoir perdu leur formule magique. Le groupe semble clairement essoufflé et il est permis de se demander s'il saura reprendre un jour sa marche en avant.