Que les prémices entre drone et rock psychédélique du groupe, alors encore simplement baptisé 5ive, semblent loin désormais ! Ce n'est pas une critique, seulement un constat. Il n'existe pas meilleur preuve de cette évolution vers une musique granitique plus ancrée dans la terre ferme, que le dernier album en date des Américains.
Avec Hesperus, ils ont opté pour une forme d’expression plus ramassées, nettement plus accessible également. Les titres présentent une structure plus courte, bien que celle-ci soit toujours riche en virages et en ambiances. Chantre d’un post-doom instrumental, 5ive’s Conitnuum Research Project a donc enfermé dans un placard les expérimentations d’autrefois pour proposer une plastique groove, intense et immédiate mais toujours très organique.
Toujours empreinte d’une tristesse qui fait parfois plus qu’affleurer, comme l’illustre "Gulls", prisonnier d’une croute de guitares mélancoliques, Hesperus oscille entre impacts fulgurants (le très court "Kettle Cove"), derelicts atmosphériques à l’architecture tortueuse, à l'image de "Big Sea" dont les vagues émotionnelles viennent s’écraser contre des récifs rythmiques puissants, ou de "Polar 78", progression orgasmique qui s’arc-boute sur des strates de six-cordes belles à en pleurer.
Si "Heel" surprend, sorte de fausse ballade déglinguée, le final, représenté par deux pulsations grandioses, pousse le disque vers des sphères divines, diptyque monstrueux à la trajectoire sublime. "News I" débute par quelques notes dépouillées, sobres, soulignées par une batterie qui groove. Puis, le modelé se durcit tout doucement, sans pour autant que le titre ne s’emballe réellement. Au contraire, il suit une ligne pure et limpide durant plus de 9 minutes jusqu’à sa conclusion démentielle qui voit le groupe ériger une forteresse dont le trait finit par mourir.
Suit alors "News II", piloté par des guitares porteuses d’un désenchantement certain ; elles tissent une toile dont chaque fil est une larme de tristesse. Pourtant, là aussi, le ton prend par la suite un visage râblé, tandis que des effluves noyées sous les effets viennent perturber la charpente. Durant la seconde partie, les Américains renouent avec le laboratoire expérimental, réceptacle d’un foisonnement créatif, tout en évitant de perdre leur fil conducteur. Par là-même, ils démontrent que, bien que désormais plus rock, ils n’ont pas mis de côté leur goût pour l’aventure et l’inconnu.
Equilibré et cohérent, Hesperus tend finalement un pont entre puissance de feu et trip halluciné. Sans doute le meilleur opus du projet.