Avec "Set The World On Fire", Annihilator a voulu mettre la planète métallique à ses pieds. Malheureusement pour les Canadiens, le succès fut loin d'être au rendez-vous et cet album, au demeurant sympathique, a été un échec cuisant. Annihilator n'est pas Metallica et les tendances mélodiques du groupe ont été très mal perçues par les fans. De fait, le groupe explose, Roadrunner le libère de son contrat et sort une compilation aux allures d'épitaphe. Mais il en faut plus pour décourager Jeff Waters qui va contre attaquer très rapidement avec un 4ème album, "King Of The Kill", à peine plus d'un an plus tard.
Pour cet album, Waters fait le grand ménage autour de lui: il assure la guitare, la basse mais aussi le chant, et ne garde avec lui qu'un nouveau batteur, Randy Black, pour ce qui s'apparente désormais plus à un projet solo qu'à un groupe. Il écrit aussi toute la musique et a trouvé refuge chez Music For Nations, label modeste mais passionné de la cause métallique. Avec ce titre d'album agressif, cette pochette toute aussi menaçante et le discours d'un Waters prêt à en découdre, on se prend à rêver d'un album retour aux sources, puissant avec cette touche mélodique qui a fait le son du groupe.
Malheureusement le pari de ce retour n'est qu'en partie réussi. Waters a écrit nombre de titres en très peu de temps et il y a du déchet, et s'il retrouve le sens du riff qui fait mal au travers de tueries bien thrash, il y a aussi des titres nettement plus moyens qui auraient mérité, soit un regard extérieur, soit plus de finitions. De fait, l'album souffre d'un déséquilibre assez net, de bons titres de thrash côtoyant des mi tempos tout à fait passables et des titres moyens qui s'oublient rapidement. Cependant, avec "King Of The Kill", "Second To None", "Fiasco" ou encore "21", il propose de très bons morceaux de thrash, sonnant proche d'un Megadeth, avec le même talent pour concilier puissance et mélodie. Jeff Waters se débrouille correctement au chant: il n'a certes pas la même puissance que les grands du genre mais il sait donner aux chansons le grain de méchanceté nécessaire, et instrumentalement, l'homme assure avec talent. Il nous balance des riffs acérés et des soli dont il a le secret, fluides, rapides et mélodiques, confirmant ses talents de guitariste. Talent qu'il affirme sur l'instrumental "Catch The Wind", très mélodique et légèrement hispanisant, sur lequel on pense un peu à Santana. Certes, le titre est un peu hors de propos dans un disque de thrash, mais il est clairement une récréation rafraichissante.
Par contre, avec "In The Blood" ou "Bad Child", il nous propose des mid-tempi très banals, sans accroche particulière et sombrant même un peu dans une facette commerciale assez gênante. Enfin, certains titres comme "Hell Is A War" ou "Speed" sont juste moyens et semblent clairement manquer de finition, sonnant comme de vulgaires faces B. Il en va de même pour "The Box" qui a la mauvaise idée d'ouvrir le disque, long et lourd, et manquant de cette facette mélodique qui fait la force d'Annihilator.
"King Of The Kill" est un disque somme toute honnête avec de réelles qualités. Néanmoins, ses défauts empêchent Annihilator de pouvoir prétendre revenir vers les sommets de la scène thrash. En fait, l'impression que le groupe entame une traversée du désert est assez tenace. Le caractère entier et sans concession de Jeff Waters est respectable et louable, mais il risque aussi d'être handicapant.