Derrière T, pseudonyme réduit à sa plus simple expression, se cache Thomas Tielen, multi instrumentiste allemand de talent qui sort avec "Psychoanorexia" son quatrième album. Ses trois prédécesseurs, mélanges d'art rock et de néo-progressif, avaient su séduire la rédaction de Music Waves. Ce nouvel opus vient confirmer tout le bien qu'on peut penser de cet auteur-compositeur talentueux.
Avec sa structure ambitieuse (quatre titres seulement dont trois avoisinent les vingt minutes), "Psychoanorexia" nous ramène à l'âge d'or du rock progressif quand les dinosaures du genre (Pink Floyd, Yes, Genesis, VDGG, ELP) n'hésitaient pas à remplir une ou plusieurs faces vinyles de suites luxuriantes. T revisite avec intelligence et sensibilité les années 70, leur rendant hommage sans pour cela renoncer à son propre style.
L'album débute en douceur avec le très mélodieux 'The Aftermath of Silence'. Un rythme assez lent, des changements de thèmes fluides, ce titre sans aspérité ressemble au "Snowtorch" de Phideaux par sa musique consensuelle mais non dénuée de complexité. 'Kryptonite Monologues' est d'un caractère plus trempé, notamment dans sa première partie, heurtée, où chœurs, claviers et échappées de guitare se télescopent dans une ambiance apocalyptique digne de Yes période "Relayer". La seconde partie, plus harmonieuse, dégage une grande mélancolie teintée d'angoisse. Après le "court" 'The Irrelevant Lovesong' au beau crescendo dramatique, l'album se ferme sur le titre éponyme, écho de 'Kryptonite Monologues', peuplé de ruptures de rythmes, changements d'ambiances, effets sonores, samples, et alternant passages mélodieux, hachés ou atmosphériques.
Qu'il est bon d'entendre un artiste qui ose permettre à ses compositions de prendre le temps d'offrir des expositions complexes, de donner vie à des développements sophistiqués ! T nous fait redécouvrir le bonheur d'attendre, l'anticipation du plaisir en décuplant l'effet lorsqu'après un passage contemplatif la musique éveille subitement nos sens de ses arabesques torturées.
Qu'il est étonnant de songer que cette musique foisonnante et inventive est l'œuvre d'un seul homme ! Si certains passages frisent le minimalisme, d'autres sont franchement symphoniques et la diversité des sons donnent parfois l'impression d'entendre un véritable orchestre.
Comme pour toute fresque de cette envergure, il est nécessaire de procéder à plusieurs écoutes avant de se retrouver dans ce labyrinthe sonore qui, comme toutes les œuvres à tiroirs, possède des moments de grâce et des transitions plus neutres. Néanmoins la qualité tant de la composition que de l'exécution est indéniable et tout amateur de suites alambiquées devrait trouver bien du charme à ce "Psychoanorexia".