Ce premier disque de Caravan est forcément un objet mythique puisqu'il marque le début d'un genre musical à part, le Canterbury.
En cette fin des 60's la technique de la prise de son est un peu empirique et le mixage a tendance à figer les instruments dans l'espace. L'écoute au casque vous place la batterie dans l'oreille gauche et l'orgue dans la droite. Mais cette production très brute laisse tout la place à la qualité intrinsèque des compositions.
Le Canterbury de Caravan c'est une batterie très présente qui ponctue la musique de rythmes aux tempos relativement constants mais avec des battements parfois complexes. C'est aussi un chant important mené par la voix douce mais efficace de Pye Hastings. Mais c'est surtout cet orgue (type Hammond) omniprésent qui fait la mélodie mais aussi les soli avec cette sonorité inimitable (so british !).
Les trois premiers titres de l'album sont des classiques de cette évolution de cette musique anglaise qui malgré des accents pop psychédéliques préfigure déjà la tonalité des futurs grands groupes tels que Pink Floyd ou Yes, alors que "Love song with a flute" annonce l'âge d'or de la flûte traversière chez les progressifs Genesis ou King Crimson.
Dans "Cecil Runs" on découvre les prémices d'improvisations à l'orgue avec trilles délirantes et montées bachiennes qu'affectionnera Keith Emerson. Ce morceau plus agressif est malheureusement un peu court pour développer toute sa démesure. Puis viennent "Magic man" très pop, très Procol Harum, et "Grandma's lawn" qui est un petit bijou de psychédélisme, l'album se refermant sur sa pièce la plus longue, "Where but for Caravan would I", 9 minutes très Pink Floyd avant l'heure.
Ce premier Caravan est donc une alchimie fabuleuse entre la pop et le psychédélisme anglais qui laisse présager un avenir florissant pour la musique progressive. Malgré (ou grâce à ?) la légèreté de la technique, les compositions sont attachantes et prendront peut être au piège de nombreux auditeurs qui pensaient ne pas pouvoir les apprécier.