Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et depuis quelques années l’Australie sont les plus gros viviers de groupes pratiquant le métal alternatif ; la Suède beaucoup moins. C’est pourtant du côté du royaume scandinave que les deux musiciens de Morph ont forgé leur musique polymorphe. Une particularité en appelant une autre, c’est sous le label de rock progressif traditionnel Progress Records que sort Sintrinity, le premier album de ce jeune duo audacieux. Audacieux et ambitieux car Sintrinity est autant une synthèse des formations les plus créatives du genre que l’empreinte déjà bien dessinée d’une foisonnante créativité.
Sintrinity est tout d’abord l’expression d’un péché qui s’apparente au crime de lèse-majesté. Celui de venir disputer la souveraineté des mastodontes de la catégorie. Morph possède le sens insolent de la mélodie de Dredg, la puissance et la fougue de Fair To Midland et la folie progressive de The Dear Hunter. En sept titres, pour un peu plus de 40 minutes, Morph s’empare de ce patrimoine comme d’une substance qui, une fois dissoute, est sublimée en une matière riche et originale.
A cette base musicale parfaitement digérée, le duo de compositeurs de Morph ajoutent de nombreux éléments djents et progressifs qui viennent parsemer les morceaux pour leur donner leur dynamisme et leur densité. Le début épileptique de "It Feels Like The End" ou les cassures de "Wake Up" déstabilisent à la première écoute mais les saillies polyrythmiques du magistral Richard Sandström sont des déferlantes apocalyptiques qui donnent à Morph sa signature et son originalité.
L’extrême technicité et le foisonnement déployés dans Sintrinity n’ont pas le même rendu ni la froideur des productions habituelles. Le génial binôme a tout compris de la vertu des harmonies vocales et des chœurs, impressionnants dans les refrains très mélodieux de l’ensemble du disque ("A Breath Away" ou "At The Crossroads" par exemple), ou de l’utilisation de la guitare acoustique comme instrument à part entière (notamment dans les mid-tempi "The Final Bow" et "The Journal").
Avec Sintrinity Morph entre avec fracas dans la cour des grands. Le multi-instrumentiste Attila Bokor et le batteur Richard Sandström ont bâti une œuvre mature et conceptuelle sur l’universelle question des rapports triangulaires entre deux hommes et une femme (d’où le titre du disque). Sintrinity a beau être un album court, il surprend à chaque nouvelle écoute révélant un peu plus la multitude de détails et nuances qui en font un petit bijou de métal alternatif et progressif.