Dis moi quel line-up te compose et je te dirai qui tu es ! Cet adage légèrement modifié pour l’occasion s’applique à merveille à Semantic Saturation, le projet du guitariste Shant Hagopian. Les noms de Derek Sherinian, Virgil Donati, Ric Fierabracci et Andy Kuntz n’invitent pas à imaginer a priori que Solipsistic sera de la country mais bien du métal progressif à haute technicité.
C’est armé de sa Music Man Signature John Petrucci que le canadien d’origine syrienne va guider tout ce beau monde sur des partitions diablement bien emmenées. Shant Hagopian arrive à relever le pari de canaliser les égos de chacun de ces monstres de technique pour les mettre au service d’un metal progressif instrumental jamais écœurant. Bien que les influences jazz soient très marquées chez Virgil Donati et Ric Fierabracci, les éléments fusion sont assez timides dans Solipsistic ("Stardust") et c’est plutôt du côté de Liquid Tension Experiment, Dream Theater ou Joe Satriani qui faut aller chercher les références.
Hagopian a une vraie intelligence de composition qui se traduit par la présence de lignes de guitares variées et très mélodieuses au sein de chaque morceau. Solipsistic n’est pas à proprement parler un album de shred mais l’expression musicale d’un groupe soudé et équilibré autour de trames harmoniques solides. Les sept premiers morceaux sont des manifestes de heavy gorgés de groove (la collection de riffs jouissifs sur "Time Is An Illusion") mais aussi mid-tempi ("Blessing In Disguise"), aux atmosphères cosmiques chères à Satch ("Lost And Found-Insanity") ou latines (le superbe "Stardust").
Il faut se rappeler que Shant Hagopian est aussi le compositeur de Nu.Clear.Dawn, groupe de métal progressif avec chanteur proche de Symphony X, qui a produit deux albums en 2000 et 2003. Ses appétences dans le domaine ont largement progressé et trouvent une belle illustration dans le dernier titre de l’album "What If We All Stop". Andy Kuntz, une des plus belles voix du métal progressif, vient poser ses vocalises sur ce morceau généreux et dense, qui en un peu plus de huit minutes, voit tout le savoir-faire de compositeur d’Hagopian. "What If We All Stop" est un très bon titre qui peut laisser optimiste sur les ambitions extra-instrumentales du virtuose.
Solipsistic, contrairement à sa signification, n’est pas l’œuvre autiste d’un ego démesuré. Shant Hagopian est avant tout un mélodiste et a fortiori un technicien. Cette combinaison donne un album bien dosé, rarement démonstratif et qui s’écoute avec un vrai plaisir. S’il continue son aventure progressive, tant instrumentale que chantée, avec autant de maturité et de finesse le canadien sera, à n’en pas douter, une valeur sûre du genre.