Dans le flot incessant de sorties, il arrive parfois qu’un disque passe entre les mailles, même fines, du filet Music Waves. Plus étonnant encore, quand il s’agit d’un disque édité par un label traditionnellement scruté pour ses productions originales et de qualité, Galileo Records pour ne pas le citer. Certains albums, de par leur contenu anecdotique, n’imposent pas que l’on revienne dessus. Il en est tout autrement de My Name Is Janet et son Red Room Blue sorti en fin d’année 2011, et dont la substance mérite que l’on s’y attarde.
My Name Is Janet est un nom de groupe beaucoup moins surprenant quand les huit titres de Red Room Blue ont fait leur révolution. Les premières écoutes prêtent tout d’abord à sourire car les sonorités sont décalées et kitsch, et les trames déstructurées et confuses. Puis la couleur générale se dégage avec de belles mélodies qui apparaissent et une véritable estampille, que l’on n’entend pas ailleurs. Jim Aviva (artiste russe de son vrai nom Dimitri A. Loukianenko cerveau d'Aviva Omnibus) , le clavier, chanteur et compositeur de l’album, est l’artisan de cette atmosphère si unique qui transparait de Red Room Blue.
Tout le monde n’adhérera pas à cet album si déstabilisant, qui ose le baroquisme jusqu’à l’orée du RIO, mais sans jamais basculer dans le pompeux trop souvent caractéristique de ce style. Difficile de sortir indemne de l’épique "Tower Of Babel" qui condense en dix minutes le métal progressif, les claviers d’un goût délibérément douteux, le jazz débridé et les refrains hyper mélodieux sur extraits bibliques. Essayer de situer la folie de My Name Is Janet est ardu, probablement quelque part entre Frank Zappa et les premiers albums de Magellan.
Red Room Blue, c’est une surprise à chaque nouvelle piste, l’excitation de pénétrer, les une après les autres, les pièces intrigantes de cette tour de Babel musicale. Un disque théâtral et étourdissant fait de chants rapés ("On The Powerful Waves") ou trafiqués (un peu partout), de ballades presque normales ("Slave Of Solitude") et d’art-rock religieusement scandé ("Babel"). Les parties instrumentales complètement déjantées ("World Is Still Tragic") ou épileptiques ("Red Room Blue") sont l’occasion de montrer un certain talent technique sous couvert d’expérimentations presque exagérées.
C’est probablement cette audace qui nous plait autant qu’elle nous agace. My Name Is Janet ose les mélanges les plus improbables et parfois les plus dissonants avec un savoir faire qui étonne. Red Room Blue reste une expérience qui ne laissera personne indifférent, un perpétuel saut dans l’inconnu pour les moins coutumiers des productions avant-gardistes, ou un saccage cacophonique pour les plus susceptibles. On ne retirera pourtant pas à My Name Is Janet son unicité sonore, à laquelle la production d’Andy Larocque (King Diamond) n’est pas étrangère, ni son originalité créatrice de morceaux mémorables.