Bien qu'il existe de rares contre-exemples dont l'un des plus mémorables reste Queen et son hallucinant Flash Gordon, la marque des grands tient aussi dans cette capacité, lorsqu'ils se frottent à l'exercice de la bande originale, à s'approprier les images qu'ils sont chargés d'accompagner pour aboutir à une oeuvre à part entière qui se suffit à elle-même au point de faire presque oublier le film lui-même, à l'image de Pink Floyd et More.
Mogwai fait donc partie des grands. Si on l'avait un peu oublié depuis ces dernières années et les errements artistiques de Hardcore Will Never Die But You Will, cette création pour la série Les Revenants, vient - enfin ! - nous le rappeler. Ce n'est pas la première fois que le Post-rock minéral des Ecossais est plus ("Zidane : A 21th Century Portrait" qu'ils ont entièrement composé) ou moins ("The Fountain" de Darren Aronofsky) utilisé. Rien d'étonnant à cela, celui-ci étant particulièrement cinématique. Mais jamais auparavant la fusion entre son et images n'avait atteint une telle symbiose.
Mieux, le groupe y trouve là un second souffle. Nul besoin donc de connaître la série dont l'album est le pendant sonore pour apprécier ce dernier, ensemble de quatorze courtes compositions élaborées comme un travail d'orfèvrerie. Toujours instrumental, l'unique titre chanté, "What Are They Doing In Heaven Today ?", démontre d'ailleurs qu'il serait bien inspiré de le rester, l'art de Mogwai se fait encore plus brumeux que jamais, épousant les contours fantomatiques de ces silhouettes qui se découpent sur un décor pluvieux.
Hormis le temps de l'inaugural "Hungry Face", respiration percussive emportée par un souffle hypnotique, ces pistes, squelettiques et posées, sont entièrement dominées par les claviers et le piano, instruments à la tessiture variée, qui servent de fil d'Ariane à cette partition d'une déchirante beauté ("Portugal" et sa sourde élévation) dérivant souvent aux confins de la trip-hop ("This Messiah Needs Watching"). Les guitares font de la figuration, les percussions sont discrètes mais jouent cependant un rôle important ("Kill Jester") dans ce récit qui trempe dans une froide et épurée mélancolie.
D'aucuns argueront que les Ecossais sont à l'étroit, enserrés dans ce format court, rarement plus de quatre minutes, qui les empêche de déployer leurs ailes, de dérouler leur écriture faite de pauses et d'explosions. Mais, quand bien même certaines lignes mélodiques paraissent peut-être tronquées et auraient donc méritées un développement plus long, laissant l'auditeur sur sa faim, l'encéphalogramme émotionnel de ces Revenants se révèle loin d'être plat car de ces délicates nappes synthétiques et ouatées suinte cette tristesse profonde et coutumière de ses auteurs.
C'est magnifique et Mogwai prouve que son talent est loin de l'avoir déserté. La suite sera passionnante à suivre...