Alors qu'il est historiquement considéré comme le premier groupe de doom finlandais (son livret de famille fait mention d'une date de naissance en 1987 !), Spiritus Mortis ne jouit pourtant pas de l'aura qu'un tel statut aurait dû lui conférer, et encore moins d'un succès attendu. A sa décharge, il faut lui reconnaître un line-up instable et un choix malheureux en termes de label, ceux-ci finissant par mettre la clé sous le paillasson, à l'instar de Black Lotus. La faute également à un doom par trop classique, sans grande ampleur. Résultat : des palettes entières de démos - huit au total - mais seulement deux albums en plus de vingt ans de carrière et dont le premier n'a vu le jour qu'en 2004 !
Malgré des galères à répétition, le groupe est toujours là. Or, il a eu raison de s'accrocher car enfin, l'avenir semble se présenter sous de meilleurs auspices. La signature chez Firebox est un signe bienveillant. Surtout, les Finlandais peuvent compter sur le charisme de Albert Witchfinder, désormais leur vitrine vocale, pour les emmener vers des rivages populaires plus cléments. Son embauche n'est par surprenante et on se souvient qu'il apparaissait déjà sur Spirtus Mortis et le titre "Rise From Hell". Celui-ci a déclaré que lorsque ses nouveaux partenaires lui ont fait écouter les premières démos de ce qui allait devenir The God Behind The God, il leur a dit que cet album s'annonçait génial à condition qu'il trouve le bon chanteur. Le bougre avait raison et doublement. On s'en rend compte aujourd'hui, c'était réellement un vocaliste de la trempe de l'ex-Reverend Bizarre qui faisait (notamment) défaut aux disques précédents. Le torturé musicien se montre en effet puissant et brillant tout du long (et parfois assez proche d'un Jim Morrison).
Mais un grand chanteur ne fait pas tout. Si les compositions se révèlent mauvaises, il aura beau avoir un talent à revendre, il ne parviendra pas a transcender un matériau de base décevant. Justement, l'autre grande force de ce troisième essai réside dans une qualité d'écriture dont on ne croyait pas capable ses auteurs, au point qu'il pourrait sembler tentant d'en attribuer la réussite à Albert. Or, il n'en est rien, ce dernier ayant apposé sa patte uniquement sur les textes et les mélodies vocales.
C'est donc quasiment un nouveau groupe qu'il nous ait donné de découvrir avec ce The God Behind The God, d'ors-et-déjà destiné à devenir une des pierres angulaires du true-doom. Il alterne saillies courtes qui puisent leur essence dans la semence d'un heavy-metal usiné dans les années 80, témoin l'inaugural "The Man Of Steal" qui offre à l'ancien révérend le loisir de singer avec une classe insolente le Rob Halford de la grande époque, et longues complaintes hallucinantes dont la dimension épique et mythologique étonne de la part du groupe.
Dans la première catégorie, on croise l'épais "The Rotting Trophy", le rouleau-compresseur "Heavy Drinker", ainsi que "Perpetual Motion" qui achève étonnamment le menu sur une note rapide et biberonnée au bon vieux hard-rock. Dans la seconde - la meilleure -, il y a le léthargique "Death Bride", down-tempo sentencieux porté par la voix profonde du chanteur, le pétrifié "Curved Horizon" sur lequel plane le spectre de Reverend Bizarre, "When The Wind Howled With A Human Voice", et bien entendu la gigantesque pièce éponyme qui, du haut de ses plus de onze minutes, domine l'ensemble avec ses atmosphères sépulcrales et occultes chères au chanteur, interminable marche funèbre agonisante dont les dernières mesures rythmées par les mélopées quasi incantatoires de Witchfinder résonnent comme un appel des ténèbres.
On se plait désormais à rêver d'une collaboration pérenne entre les deux parties. C'est ce que l'on peut souhaiter de mieux au groupe...