Avec le départ de Spice en 2001, c'est une page qui se tourne pour Spiritual Beggars. Bâti autour de la formule du power-trio, le groupe s'est, dès Mantra III, enrichi de la présence d'un claviériste en la personne du futur Opeth, Per Wiberg, déterminant une évolution progressive vers un Hard-Rock moins Stoner et sabbathien, surtout plus influencé par l'école Ritchie Blackmore. Les conflits d'égos aidant (ou pas), le divorce entre l'ogre bassiste amateur de Rock velu et un Mike Amott au goût plus sophistiqué, alors en pleine explosion médiatique suite au succès commercial que Arch Enemy rencontre au même moment (Wages Of Sin est publié cette année-là) n'a donc rien de surprenant. Tout comme le choix, une fois le chanteur parti, de poursuivre l'aventure non plus à trois ou quatre, mais à cinq.
Pour remplacer le démissionnaire, les Suédois jettent leur dévolu sur deux musiciens. Roger Nilsson de The Quill, est recruté pour tenir la basse, mais c'est surtout vers celui qui tiendra le micro que tous les regards sont braqués, un peu, toute proportion gardée bien entendu, comme quand Deep Purple cherche le remplaçant de Ian Gillan en 1973. Mais là où Blackmore, Lord et Paice embauche un inconnu (David Coverdale), Spiritual Beggars recrute un vocaliste, un des meilleurs du circuit, expérimenté grâce à Grand Magus, avec lequel les Suédois ont d'ailleurs partagé un split, It's Over, testament de Spice avec ceux-ci. Autant dire qu'ils ne perdent pas au change. Mieux, JB leur permet d'exploiter encore davantage leur fibre aux couleurs pourpre et arc-en-ciel.
Mis en boîte par Rickard Bengtsson, producteur de Another Way To Shine, On Fire reprend le canevas établi par Ad Astra. Il démarre sur les chapeaux de roue avec trois cartouches survitaminées parmi lesquelles on retiendra "Young Man, Old Soul", alliant la lourdeur de Black Sabbath aux mélodies dignes d'un Rainbow. Puis, à partir de "Fools Gold", que transpercent des passages presque atmosphériques, la valeur ajoutée de l'album monte d'un cran supplémentaire. "Black Feathers" et son intro à la "Tarot Woman", les nerveux et remuants "Dance Of The Dagon King" et "Beneath The Skin", ou le curieux et bucolique instrumental "Fejee Mermaid" noyé sous des effluves psychédéliques, le propulsent vers des sommets.
Et comme Amott a parfaitement retenu la leçon, On Fire s'achève sur un double orgasme. C'est tout d'abord "The Lunatic Fringe" qui, après un début en douceur, décolle brutalement, emporté par une rythmique robuste et surtout un JB, sorte de Coverdale à la sauce Viking au firmament de son art. Le guitariste se fend d'un court solo bourré jusqu'à la gueule de feeling avant que Per Wiberg emballe le tout avec son orgue Hammond biberonné au Jon Lord des grands jours. Lui succède "Look Back", lequel doit aussi beaucoup à ses superbes lignes vocales et au jeu du rouquin aux confluent de Ritchie Blackmore et de Gary Moore.
Avec un tel album sous le bras, Spiritual Beggars aurait dû franchir une étape supplémentaire sur le plan commercial. Malheureusement, l'ascension d'Arch Enemy lui aura été préjudiciable, Amott étant désormais incapable d'accorder le temps nécessaire à une carrière qui, peu à peu, va s'endormir tout doucement, au grand dam de JB qui, s'il aura tout le loisir d'animer un Grand Magus du coup plus exposé, regrettera toujours que son arrivée ait coïncidé avec le passage au second plan de Spiritual Beggars dans l'agenda du guitariste. Les trois années qui sépareront On Fire de Demons, son successeur, illustreront bien cette situation...