L’art de la chronique requiert un certain recul qui permet de rester dans les clous de l’objectivité. Malgré tout le bon vouloir du monde, il arrive que cette belle résolution arrive à être mise à mal. Démonstration.
Soit un groupe nouvellement arrivé sur la scène progressive : il est ici question de Bow, un projet studio du Néerlandais Chris van der Linden, associant les musiques ambient, électroniques, rock et ethniques. L’idée du premier album du combo, “Man in the Machine”, est de raconter le ressenti émotionnel d’un homme qui se questionne sur son but dans la vie : un concept des plus simples à traduire en musique ! Côté forme, Bow s’attache à éviter toute expression chantée, préférant utiliser des récitatifs à la façon d’une bande-film. On sent déjà l’hermétisme poindre le bout de son nez . Si l’on ajoute que la musique est décrite comme “un collage incroyable d’ambiances rêveuses, de martèlements industriels, de bruits incongrus et et de sons fragiles de harpe”, le décor est planté : nous sommes dans un avant-gardisme propice à tous les débordements.
A la fin de l’écoute de “Man in the Machine” - soyons exact, l’interrogation s’insinue sournoisement dès les premières minutes -, la question qui vient immédiatement à l’esprit est : “Pourquoi ?”. Pourquoi infliger à l’auditeur un tel assemblage de sons hétéroclites sans queue ni tête ponctués de récitatifs assommants, parfois sans même un rythme (‘Neuron Traveller’, atonal et arythmique donc inécoutable), abusant de passages planants réduits à un accord prolongé et saupoudré de bruits divers (‘Mercury Tears’, vide), et dénués de ligne mélodique - attention toutefois, le fond sonore du dernier récitatif (‘I Am A Man’) semble receler une ligne décelable, coupable relâchement !
Objectivement, il n’y a quasiment rien à sauver dans ce disque : si la production est correcte, profonde et équilibrée, elle est “au service” d’une “musique” sans aucun fond mélodique, sans invention rythmique, sans innovation sonore, sans signification perceptible. Ca fait beaucoup pour cet album hautement non-recommandable que Chris van der Linden décrit comme “un voyage hypnotique que vous n’oublierez pas de sitôt”. Hélas !