Il est souvent reproché aux musiques prog d’être sous influences : ce courant qui revendique le fait de ne s’imposer aucune limite paraît aux yeux de certains en manque d’inspiration nouvelle. “Tout a été dit dans les années 70” est une phrase qu’il est courant de lire dans les commentaires. C’est évidemment très réducteur, et l’arrivée de certains groupes comme Riverside, Lazuli ou même les avancées d’un Steven Wilson prouvent qu’il est possible de marquer le style de son empreinte.
Et certains groupes, tout en s’appuyant sur des recettes éprouvées, parviennent à produire des opus qui, sans renouveler le genre, assimilent parfaitement les influences pour sortir des productions efficaces et très agréablement assimilables. C’est le cas ici pour Gate 6, un projet né de la collaboration de deux potes de 15 ans, Jan Koster (guitariste pour Challenge et Isolation) et Tony ten Wolde (claviériste pour Marathon). Pour ce nouveau challenge, ils ont échangé leurs pupitres, Tony prenant les guitares et Jan les claviers. En s’adjoignant les services d’artistes déjà reconnus (notamment Erik Masselink, chanteur dans le groupe de métal progressif Symmetry), ils misent sur la sécurité et profitent de leur expérience pour livrer un "God Machines" très équilibré.
Combinant les influences néo-progressives (nappes de claviers très présentes) et l’énergie de certains groupes métal (riffs marqués sans être assommants), Gate 6 se rapproche dans l’esprit de groupes comme Saga - la même énergie et le même bon équilibre guitares / claviers - ou Haken en moins symphonique. Le concept que de l’album pourra rappeler, dans son propos dérivé de la science-fiction, la démarche de nombre d'albums d’Ayreon : comment les pouvoirs financiers, appâtés par de cupides enjeux, refusent de neutraliser un Internet qui aurait appris à tuer.
Aucun temps mort dans cet album qui aligne les mélodies catchy et les refrains imparables (‘Killing Me’, entre autres). Gate 6 prend soin d’alterner les ambiances plutôt tendues (‘Casualties of War’, qui aurait même pu être un poil plus incisif) avec des titres plus franchement “néo” comme ‘Man to Be’, des ballades-qui-reposent ('I Am', peut-être un peu en force au niveau du chant ou ‘My Warning’, avec un petit air du ‘Still Loving You' des Scorpions), et ne dédaigne pas de caser de solides soli de guitares ('Father Son'). L’album se termine sur un 'Voices' carré et efficace.
Point de grosse nouveauté donc chez Gate 6, mais un savoir-faire qui pioche habilement dans un recueil de recettes éprouvées pour un résultat qui s’écoute avec un grand plaisir. C’est déjà un très beau résultat pour un premier album !