Nombreux sont ceux qui découvriront certainement Thy Catafalque avec Rengeteg qui scelle une alliance qu'on espère durable entre le projet hongrois et Season Of Mist au sein duquel il est d'ailleurs tout à fait à sa place. Pourtant, le groupe se construit depuis plus d'une dizaine d'années déjà, grâce à des travaux dont la modeste renommée des labels (KaOtic, puis Epidemie Records) qui les ont distribué à l'époque ne les a pas empêché de répandre le nom de leur auteur chez les amateurs d'explorations sonores. Davantage qu'un groupe à proprement parlé, Thy Catafalque se présente avant tout comme le laboratoire de Tamas Katai, son unique membre permanent, lequel aime à s'entourer d'invités l'aidant à matérialiser son art. On en viendrait presque à envier cette majorité de néophytes dont cette rencontre sonnera comme une révélation, point de départ d'une immersion à rebours dans une œuvre qui compte parmi les plus passionnantes que le Metal contemporain nous ait offert.
Si Rengeteg arbore des atours plus accessibles, plus facilement accrocheurs que ses quatre aînés, sa puissance visionnaire emporte tout, prouvant que le Hongrois n'a pas mis son inspiration débridée en jachère pour séduire un public plus large. Avec ses soixante minutes au compteur, cet album se révèle comme toujours d'une foisonnante richesse qu'une vie entière ne suffira sans doute pas à en faire le tour. Dense et travail d'orfèvre, chaque titre mériterait une chronique à lui seul. Un socle lourd aux guitares aux allures de câbles qui dressent un mur massif, des mélodies tapissées par des claviers d'une ténébreuse beauté, des boucles synthétiques, une alternance de chant clair ou plus bouillonnant, quelques artifices utilisés avec clairvoyance (voix féminine, lignes de violon) définissent un Metal avant-gardiste, plus électronique qu'industriel, auquel la langue nationale confère une espèce de poésie mystérieuse.
Du haut de ses quatorze minutes, "Vashegyek" incarne l'épicentre de Rengeteg, pièce monumentale d'une force hallucinante. Tout d'abord emmené par le chant d'Agnes Toth (The Moon And The Nightspirit) que l'on identifie immédiatement, puis remplacé par la voix de Attila Bakos, le titre s'enfonce ensuite peu à peu dans une noirceur cataclysmique dont la puissance est à même de faire exploser tous les compteurs Geiger. L'encadre une série de compositions dont la diversité ne grève en rien l'homogénéité de l'œuvre, desquelles émergent l'enchaînement de "Fekete Mezök", "Kel Keleti Szel" et "Trilobita" qui propulse tout de suite l'album vers un sommet qu'il ne quittera plus. Mentionnons aussi l'instrumental (ou presque) "Kö Koppan" dont la beauté tragique est dessinée par un violon aux accents tziganes. On aurait pu craindre que l'intensité ne retombe après cet ensemble de cinq morceaux éblouissants, de "Holdkomp" à "Ket Ingem Lobogo", il n'en sera pourtant rien.
Vous l'aurez donc compris, Rengeteg s'avère être un joyau indispensable et Thy Catafalque, un groupe à connaître absolument si cela n'est pas déjà fait, car il fusionne puissance et beauté, noirceur et inventivité. Unique et précieux.