Hiver 2007, votre serviteur se rend dans un obscur rade de quartier dans le Nord de Paris pour y voir jouer Obiat qu'il ne connait alors pas vraiment. Après plus d'une heure de set, le verdict tombe : un coup de foudre... Et une interrogation... Pourquoi un tel potentiel doit-il se contenter de modestes bars PMU, dont le côté prolétaire convient d'ailleurs parfaitement à la formation, davantage qu'un hard rock café pour bobos en mal de sensations fortes ?
Travailler plus pour gagner plus, paraît-il. En effet à force de multiplier les concerts atomiques, Obiat commence à se faire un nom. Il y a donc quand même (parfois) une justice, comme le prouve la récente signature avec le label Small Stone Recordings. Et enfin après quatre ans de silence discographique et de longs mois à patienter, Eyes Tree Pi peut maintenant tourner sur les platines. Mais vu son insolente qualité, on n'en voudra pas trop au groupe d'avoir mis autant de temps pour en accoucher.
Si ses deux aînés étaient déjà de robustes saillies sentant le camboui, ce nouvel album propulse tout simplement ses auteurs vers une autre dimension, aidé en cela par un Billy Anderson plus inspiré que jamais derrière les manettes. Tout en conservant son identité, à savoir ce stoner grandiose et épais porté par le chant habité du barbu Laz et par les riffs telluriques de Rafa, Obiat la transcende en conférant à ses compositions un relief hallucinant, une profondeur de champ inédite et avec toujours cette démesure qui n'appartient qu'à lui. Plus longues, plus travaillées, celles-ci ont quelque chose de rampe de lancement vers des paysages à la géographie variée. Peu à peu, on sent que le collectif prend ses distances par rapport à une scène stoner dont il a de toute façon depuis longtemps dépassé les fondements pour aller braconner sur les terres du doom massif et goudroneux aux relents psychédéliques.
Se prendre d'entrée de jeu dans la face trois enclumes à la puissance d'un réacteur nucléaire de l'acabit de "Poison Thy Honey" et son intro aux couleurs orientales, "Delights" et plus encore "Serpent's Rites" soit trente minutes démentielles, relève de l'orgasme assuré. Plus expérimentales (à l'image du quasi ambient "Passive Attack"), les pistes suivantes déçoivent forcément. C'est pourtant mal les considérer car elles ruissèlent elles-aussi une inspiration débridée. Moins immédiates (hormis le heavy "NoMand NoMind"), elles achèvent l'écoute sur une note sombre : l'atmosphérique et lancinant "AA54089" et son break furieux qui le coupe et le feutré "House Of The Forgotten sins", titre le plus étrange du lot.
Un grand disque et un groupe génial très certainement capable de toucher un plus large public !