Aujourd'hui affilié au metal atmosphérique, se produisant même dans des festivals progressif dont on se demande s'il y est vraiment à sa place, on a tendance à oublier que Katatonia, à ses débuts, macérait dans les eaux obscures d'un black/doom lugubre. Vingt ans plus tard, il n'en reste plus grand chose, si ce n'est quelques lignes de guitares entêtantes d'Anders Nyström. Pour autant, vouloir ignorer ce passé extrême revient à ôter au groupe une part de son identité qui s'est progressivement construite à partir de ce terreau qu'il n'a d'ailleurs, contrairement à Anathema, jamais cherché à renier.
L'origine de Katatonia nait de la rencontre entre Jonas Renkse et du guitariste alors baptisé Blakkheim. Le duo en forme le noyau dur autour duquel de nombreux musiciens vont venir se greffer plus ou moins durablement. Démarrant tout d'abord sous le nom de Melancholium dès 1987, les Suédois optent pour celui de Katatonia quatre ans plus tard. Après plusieurs démos devenues cultes, dont "Jhva Elohim Meth", gravées à quatre mains et encore fortement influencées par le black metal naissant, le tandem recrute en 1992 le bassiste Israphel Wing et accouche l'année suivante de "Dance Of December Souls", son premier album. Son évocation ne manquera pas de raviver nombre de souvenirs chez ceux qui ont vécu cette période où Dan Swanö dans l'antre des studios Unisound produisait toutes les hordes que la Suède abritait en terme de black (Marduk, Dark Funeral) ou de death (Opeth).
Au style en vigueur sur les démos qui l'ont précédé et dont le titre 'Without God' est par ailleurs issu, l'opus ajoute des éléments doom/death, aboutissant à un mélange certes maladroit mais non dénué de ce charme de l'adolescence. La prise de son est dépouillée, le chant (hurlé) de Jonas, hésitant... Autant de faiblesses qui, loin d'en grever la beauté, confère à l'ensemble une couleur qui n'appartient qu'à lui, noire et sinistre. Et il y a déjà ces riffs glaciaux qui tissent une toile de tristesse, fil d'Ariane de compositions plus longues que celles que le groupe écrit aujourd'hui, témoin par exemple 'Velvet Thorns' qui frôle les 13 minutes (!), mais suintant cette mélancolie coutumière des Suédois.
Si Katatonia fera largement mieux par la suite, le fait est que "Dance Of December Souls" demeure une œuvre importante au contenu désormais oublié dans lequel puiseront d'une part Dan Swanö, pour le premier Nighingale (The Breathing Shadow), comme l'illustre 'Tomb Of Insomnia' aux mélodies obsédantes égrenées par cette guitare engluée dans le désespoir et d'autre part, tous les suicidaires d'une chapelle black doom qui naîtra véritablement que quelques années plus tard autour de Xasthur et autre Forgotten Tomb. "Dance Of December Souls" permettra à ses auteurs d'être ensuite associés au label Avantgarde dont ils seront une des premières signatures avec Opeth. Courant de "For Funerals To Come..." à "Discouraged Ones", ces années tiennent une place attachante dans le cœur des fans de Katatonia... A raison...