Capturé en juillet 1996, Brave Murder Day sonne comme un renouveau pour Katatonia. Il met à la fois fin à une entame de carrière hésitante, entre démos, recherche du bon line-up et mise en sommeil et commence véritablement à fixer le style qui sera celui des Suédois, chant d'outre-tombe mis à part.
Remotivés par l'expérience October Tide que Jonas Renkse a monté en 1995 avec le guitariste Fredrik Norrman, les Suédois se retrouvent donc après une courte absence. Norrman rejoint la paire originelle cependant que Dan Swanö leur reste fidèle derrière la console (on se souvient qu'il les dépannera même plus tard en assurant les parties de batterie de Tonight's Decision).
Officiellement toujours trio, Katatonia devra pourtant faire appel à un invité alors encore peu connu mais qui ne tardera pas à le devenir, en la personne de Mike Akerfeldt. En effet, au moment de rentrer en studio, Jonas se rend compte qu'il est dans l'incapacité de chanter avec la voix Death à laquelle il avait recourt jusque là. Pour les dépanner, le leader d'Opeth et surtout ami de longue date, accepte donc d'enregistrer les parties de chant, sauf sur "Day" et dans une moindre mesure, "Endtime", où pour la première fois on entend Renkse utiliser la voix claire qui désormais ne le quittera plus. A l'écoute de cette seconde offrande, on en vient presque à se féliciter que cet incident ait eu lieu tant Akerfeldt remplace avantageusement celui qui se contente (presque) du coup cette fois-ci de son rôle de batteur. L'homme apporte cette puissance abyssale qui faisait défaut à Dance Of December Souls.
Moins morbide et sinistre, Katatonia n'a cependant rien perdu de sa dimension funéraire, que le chanteur d'Opeth au contraire souligne encore davantage. Démonstration avec le titre d'ouverture, "Brave", à la beauté glaciale et mortuaire qui vous engourdit aussitôt ses premières mesures entamées et dont on peut affirmer qu'il ne serait pas aussi réussi sans Akerfeldt derrière le micro, quand bien même, il doit aussi beaucoup aux lignes de guitare entêtantes de Nyström, perçant la nuit lugubre et hivernale, lequel en quelques accords suinte plus de tristesse que des bataillons entiers de gothiques de bas-étage. Autant dire que "Brave" - à écouter au casque et dans le noir pour être pénétrer par son feeling mortuaire - vous hantera longtemps après qu'il se soit achevé, un peu à l'image de cette pochette sur laquelle figure le cadavre d'un oiseau dans la neige. Les Suédois n'ont sans doute jamais fait mieux.
Au final, la seule faiblesse de Brave Murder Day réside dans le fait qu'il atteint son apogée d'entrée de jeu. Non pas que le reste de son menu soit moins inspiré, du fébrile "Day" aux accents presque Darkwave à "Rainroom", où l'on croise à nouveau ses riffs obsédants, unique lanterne guidant le pélerin, mais il ne saurait tout à fait rivaliser avec la force émotionnelle de cette ouverture funèbre.
Toutefois, ces cinq compositions participent pleinement à la réussite de cet opus à l'ambiance unique qu'il est permis de considérer comme la pierre angulaire de la discographie de ses auteurs dont on peut regretter qu'ils ne le revisitent quasiment plus sur scène, se contentant d'y piocher ce "Day" qui, il est vrai, annonce le glissement à venir vers un Metal plus atmosphérique bien que toujours froid comme la roche en hiver. Discouraged Ones en constituera la première étape...