Dire que Tristema, groupe transalpin, est un stakhanoviste de la production musicale serait assurément exagéré. Leur précédente et première production remontant à 2007, il aura donc fallu attendre cinq ans avant que les italiens ne donnent un successeur à "Come Ti Vorrei". Mais, au regard du résultat, on ne leur reprochera pas d'avoir pris leur temps.
Avant même d'avoir posé le CD dans le lecteur, arrêtons-nous pour admirer la superbe pochette inspirée d'Alice au Pays des Merveilles, œuvre de l'artiste espagnol Felideus, où Alice, mi-femme, mi-enfant, trône au milieu d'un bien curieux bestiaire. Un contenant qui convient admirablement au contenu, tout aussi travaillé et tout aussi surprenant et surréaliste. Rien ne présage pourtant du voyage auquel va nous inviter le groupe dans ce premier titre mené tambour battant au son des accords martelés de la guitare accompagnant un chant à la limite du hard rock. Car la force de Tristema, c'est de s'appuyer sur des titres ramassés (tous entre trois et quatre minutes) et vigoureux, très rock, saupoudrés d'une bonne dose de mélodie et agrémentés d'une astucieuse diversité.
L'album ne s'embarrasse point de complexité, les douze titres sont des chansons à la structure classique, alternant couplets et refrains. On pourra regretter que le groupe ne fasse pas plus appel à quelques digressions instrumentales pour enrichir encore son propos. Les musiciens sont impeccables et jouent sur toute une palette de styles et d'émotions, mais force est de constater qu'ils servent surtout de très bel écrin aux parties chantées.
Il faut dire que le chant est un domaine où Tristema excelle. Déjà au travers de Candido Di Sevo dont la voix éraillée, au grain râpeux, met tout le monde dans sa poche. Un charme ténébreux renforcé par les textes en italien. Ensuite par les nombreux numéros de duettistes qui, quelle que soit la forme qu'ils revêtent, sont excellents. Sur 'L'Assenza', c'est Daniel Gildenlöw, dont les qualités d'interprétation ne sont plus à prouver, qui donne la réplique à Di Sevo dans un titre qui commence comme du Calogero et qui finit comme du … Pain Of Salvation, bien sûr. 'La Penisola Che Non C'è' crée une alchimie intéressante en opposant le chant mélodieux du refrain aux déclamations rapides du rappeur Fuossera. Sur 'L'Eclissi', c'est une voix féminine qui apporte une touche de douceur exotique sur une chanson aux accents sud-américains.
Côté inspiration, hormis la folklorique parenthèse de 'L'Eclissi', on cherchera plutôt du côté rock moderne mâtiné de pop FM ('Nel Silenzio', 'Maryland', 'Gli Spazi Della Mente'), tirant parfois sur la variété internationale symphonique ('L'impercorribile', 'Immagini'), parfois sur le métal léché ('L'Assenza', 'Vortice'), parfois sur l'acoustique romantique ('L'Istante'). Enfin 'Costanze' est une adaptation réussie du 'Lacrimosa' de Mozart assaisonné à la sauce rock, dont on recommandera l'entrée des chœurs classiques sur un chant superbe de mélancolie et de tristesse.
Si le divin Wolfgang avait écrit ce morceau au XXI siècle, il l'aurait peut-être fait avec ce mélange de chant poignant, de nappes synthétiques dramatiques et de violence contenue du duo batterie/guitare. Avec "Dove Tutto E Possibile", Tristema nous offre un album enthousiasmant qui a su exploiter avec bonheur les multiples facettes du rock.