Essayons de rester calme et de présenter cette chronique de façon pondérée, en restant le plus objectif possible. Après une telle écoute, ce ne sera pas facile, mais ça doit être faisable.
Voici donc la dernière production de Linda Cushma, bassiste de son état et grande fan du Chapman Stick, ce drôle d’instrument dérivé de la guitare, à cordes séparées en une partie mélodique et une partie rythmique basse au son profond, privilégiant le jeu en tapping et permettant plus d’expression polyphonique qu’un instrument classique (Tony Levin a grandement popularisé le Chapman Stick). Linda s’est adjoint les services de six interprètes pour former le groupe Oxygène 8 et faire paraitre ce premier opus sous le nom de “Loop 1”.
L’examen du nom et du contenu de l’album va exciter soit une curiosité très inquisitrice, soit la méfiance la plus épidermique. “Loop 1” est en effet constitué d’un seul morceau de 56 minutes et 2 secondes, soit un exercice à très haut risque. Car une telle durée, c’est soit l’extase, soit l’embourbement. Second point, comme son titre l’indique, le morceau est basé sur l’utilisation des loops - en bon français : des boucles. 56 minutes (et 2 secondes) de répétitions, en langage marketing, ce n’est pas forcément vendeur, reste à savoir comment ces boucles-là seront apprêtées.
Vous est-il déja arrivé de vivre un moment où vos pires craintes musicales se matérialisent ? “Loop 1” en est hélas une illustration très aboutie. Les moments simplement cohérents sont l’exception tout au long de cet interminable pensum qui se veut expérimental mais qui ne fait que tomber dans la caricature. La technique n’a rien à voir là-dedans ; la production est claire, la batterie est précise (deux solos au cours du morceau, ce qui est trop), la guitare shrede comme il faut. Quant au Chapman Stick, il est difficile de remarquer sa présence.
Pour le reste, c’est le néant quasi- total au niveau de la composition du morceau, constitué de sept parties sans aucun rapport entre elles, et n’offrant pour transition qu’un paresseux fondu-enchaîné. Le ton hésite entre un psychédélisme éthéré et une fusion anarchiste aux accents vaguement world (de légères effluves africaines), qui met les nerfs à très rude épreuve. Ce genre de bruits accolés ne résiste pas à deux minutes d’écoute attentive en état normal, et il s’installe très rapidement l’impression que rien n’est composé (à part un semblant de thème de chanson très sommaire autour de 11-12 minutes, tournant très rapidement au vilain refrain répétitif), laissant les musiciens en digressions libres, style “je place quelques notes pour faire genre”. Le summum est atteint entre la 28eme et la 37eme minutes, où un chaos sonore vient dynamiter les dernières parcelles d’indulgence que l’auditeur en quête de musique pouvait encore avoir.
Ce disque démontre par l’absurde qu’il y a des limites au grand n’importe quoi, des moments où il n’est plus tolérable que le bidouillage de studio remplace la créativité musicale. Cet assemblage de sons est incompréhensible, inepte, inécoutable, bref, en deux mots : complètement loopé ! 1 point pour la production...