Bien que désormais hébergés par Listenable suite à l'arrêt (ou presque) d'Holy Records, les Nordistes demeurent toutefois indissociables de ce dernier qui, mû par un constant souci d'originalité et une exigeance admirable, nous a fait découvrir bon nombre de formations extrêmement personnelles et résolument à part, de Stille Volk à Elend, de Yearning à Orphaned Land. Les productions maison ne ressemblaient donc (souvent) à nulle autre.
Un peu à l'image de celles fabriquées par S.U.P. et son faux frère-jumeau Supuration, oeuvres uniques dépassant le cadre du simple disque en cela qu'elles confinent à une forme de création totale, aussi bien sonore, visuelle que conceptuelle. Admiré(s) par certains, ignorés par d'autres, leurs projets n'ont laissé personne indifférent. Or, depuis Angelus et sans gommer cette identité qui n'appartient qu'à eux, le quatuor surprend moins désormais. Peut-être est-ce dû à cette influence "paradiselostienne" qui fait maintenant plus qu'affleurer à la surface d'une musique certes toujours aussi glaciale et pourtant plus accessible.
Après la parenthèse Supuration que ses membres rouvrent tous les dix ans et refermée après Incubation, S.U.P. revient deux ans plus tard avec Imago qui confirme cette lisibilité créatrice. Là ou Room Seven et Chronophobia s'apparentaient à des dédales déshumanisés, ce nouvel opus semble presque, non pas linéaire, mais (faussement) facile à appréhender. Comme échappé d'un disque de la bande de Nick Holmes période One Second, "From Blood Of Chrysalis" installe il est vrai l'auditeur dans un cocon rassurant.
Pourtant, dès "Insect Drug", Imago ouvre sa froide intimité, celle de ce concept comme seuls les Nordistes ont le secret, basé sur l'histoire d'un scientifique qui découvre une drogue conçue à partir d'une molécule de papillon, qu'il teste sur lui-même au point de finir par se transformer en insecte. De fait, on suit l'opus comme un récit toujours passionnant où éclate la maîtrise des atmosphères. Comment rester de marbre devant la palette émotionnelle servant à distinguer les différents stades de la narration, les aplats tour à tour hypnotiques ("Hybrid State" et ses nappes enveloppantes), sombres ("The Deformed Army"), étranges et aux confins d'une coldwave organique ("Liquid Flows"), jusqu'à l'envol final symbolisé par cet instrumental éponyme tout en progression et vibrant d'une beauté teintée d'un désespoir absolu qui vous hantera longtemps après l'écoute achevée ?
Si sa variété ne nuit jamais à sa grande uniformité, Imago est un album dense et ramassé, compact et néanmoins posé et dont l'incontestable griffe de ses auteurs est inscrite dans sa (nouvelle) chair. Après avoir replongé dans les méandres du Death Metal le temps d'une Incubation meurtrie, le groupe renoue pour notre plus grand plaisir avec un metal où les atmosphères priment sur la brutalité.