Davantage qu'une simple chapelle musicale, le Doom est une religion. Une forme de dévotion l'accompagne qui explique que le genre se vit, se ressent plus qu'il ne s'explique justement. Déprimant comme un dimanche de pluie pour certains, douloureusement beau pour d'autres. Mais quand on est de ceux-ci, on ne peut qu'être touché jusqu'au plus profond de son âme par cette musique écrite avec sincérité. Sans doute faut-il déjà avoir vécu de sombres moments pour l'apprécier. Le doom n'est pas une question de raison mais de foi.
Rares sont les jeunes prêtres qui réussissent aussi bien à incarner le genre que Rote Mare. En l'espace d'une brochette de démos qui ont assis leur réputation et un premier opuscule forcément guetté comme le messie, les Australiens sont devenus les hérauts de ce culte où la tradition, les valeurs, ont plus de poids que l'originalité ou la virtuosité.
Les 14 minutes de "The Hour Of Doom", lesquelles ferment la marche funèbre que réprésente ce split qui les unissent à Dire Fate, symbolise parfaitement ce qu'est le vrai Doom. Chant sentencieux, rythmique ultra plombée, riffs pétrifiés comme figés dans la roche et trame monolithique qui étend sa toile funeste, déterminent ainsi un credo porteur d'une inexorabilité poignante. A aucun moment la plainte ne dévie de sa trajectoire. Précédée du court "Skinking Ships", préliminaire guidé par la voix de Phil Howlett d'une tragique solennité, c'est une leçon qui justifie à elle seule l'acquisition de ce split publié par le propre label du groupe, Rotedoom Records. Ca ne s'invente pas.
Y démontrant sa maitrise du canevas digne d'une limace ayant absorbé du Valium par boîte de 12, faisant de lui autant l'héritier de Black Sabbath que de Reverend Bizarre, la contribution de Rote Mare n'occulte pourtant pas celle du plus modeste Dire Fate, autre formation australienne qui traine son spleen depuis de nombreuses années sans parvenir à franchir le cap de la démo. Cette alliance lui offrira peut-être le sésame vers un premier album longue durée qui, à l'écoute de ces trois titres, pourraient largement contenter les fidèles. Moins démesuré et grandiose que celui de son aîné, l'art de ce groupe méconnu creuse toutefois ce même sillon orthodoxe. La réussite est moindre mais honorable, comme l'illustrent "Salvation Through Pessimism" et ses neuf minutes au garrot d'un Doom majestueux et mélodique bien que lui aussi prisonnier d'une gange de désespoir infini.
Un album idéal en définitive pour nous faire patienter avant le successeur de Serpents Of The Church et une bonne introduction à cette scène des antipodes trop peu connue qui ne doit pourtant pas manquer de trésors...