Si pour les tenants de l'orthodoxie, voir s'accoupler le méchant Black Metal avec le progressif tient du blasphème ou du non-sens total, l'art noir se devant d'être haineux et cru selon les règles établies par les Grands Anciens, le fait est que certains musiciens n'hésitent pas (plus) à injecter une bonne dose de technicité à ce genre qui s'est avant tout construit sur la simplicité en réaction à son cousin le Death Metal. Reste que le terme "progressif", lorsqu'il est accolé à celui du Black Metal, fait moins référence au courant musical qu'à une démarche évolutive, une recherche sonore tous azimuts.
Prenez par exemple le cas d'Acolyte, jeune pousse sortie de la terre de la Perfide Albion il y a à peine cinq ans. N'allez pas croire qu'il cite Genesis ou King Crimson entre deux blastbeats supersoniques pour la simple et bonne raison qu'il prétend faire du Black progressif ! Ce sont dans ces structures alambiquées, dans ces breaks étonnants qui aèrent une sombre partition et dans cette manière d'utiliser le genre comme un terreau propice à une liberté d'expression que cette étiquette prend au final tout son sens.
Préparé par un premier EP, Leng en 2011 dont les trois titres en accompagnent six nouveaux (dont une intro), Alta impressionne par son insolente maîtrise. Sans mettre en jachère une noirceur sous-jacente, l'oeuvre trouve le juste équilibre entre déchainement de forces obscures et maillage virtuose, alliance qui détermine une écriture au cordeau à la fois atmosphérique et labyrinthique.
Si certains, à l'écoute notamment de "Formidine", ne manqueront pas de déceler en lui l'influence d'Opeth, référence de toute façon quasi obligée dès lors qu'on se frotte à l'extrême progressif que les Suédois ont été parmi les premiers à exploiter, Acolyte sait pourtant dépasser ce patronage pour creuser sa propre voie, une voie tourmentée où la technique est mise au service de thèmes quant à eux des plus orthodoxes, nourris à Lovecraft et à l'anti-christianisme. Si "Leng" et surtout "Epistle", voisinent avec les dix minutes au compteur, la plupart des compos conservent une architecture ramassée dont le corollaire est une densité extrême.
En effet, chaque titre se rapproche d'un travail d'orfèvre que perforent de multiples cassures, rythmiques ("Charybdis") ou plus posées ("Leng"), à l'image par exemple du long périple terminal qui en son milieu, entame une élévation stratosphérique déchirante de beauté, avant de s'achever entre riffs ferrugineux, accélération furieuse et ambiance soyeuse presque jazzy. Si les lignes de chants sont sans originalité, les parties instrumentales, quant à elles, le sont beaucoup plus, dynamiques sources aux ramifications prolifératrices.
Acolyte passe le Black Metal à la moulinette progressive pour aboutir à un résultat aussi abyssal que foisonnant. Osons l'affirmer, le groupe a le potentiel pour aller très loin, bien au-delà du cercle confidentiel de son néanmoins précieux label, Mordgrimm. Peut-être pas du vrai metal noir pour les puristes mais peu importe...