Fondé en Espagne il y a seulement cinq ans, il aura suffit à Toundra d'un seul album, son premier, pour marquer la différence avec le tout venant du Post Rock. Moins d'ailleurs pour une formule 100% instrumentale qui ne surprend plus personne aujourd'hui que pour cette accroche nerveuse conjuguée à un sens du riffing chaque fois évocateur d'une beauté géographique immense.
Après un (II) qui a fait mieux que transformer l'essai, le groupe accouche d'une troisième offrande qui semble, de prime abord seulement, n'apporter rien de neuf par rapport à ses aînés, si ce n'est peut-être la (fausse) ballade squelettique "Requiem" tout en arpèges dans un premier temps et qui monte peu à peu crescendo au son d'un violon tragique. Avec sa petite quarantaine de minutes et ses six pistes au compteur, l'opus défile vite, trop vite même. L'écoute est agréable et une fois que s'éteignent les ultimes mesures de "Espirita", l'impression, plutôt positive au demeurant, d'avoir tranquillement voyagé s'impose.
L'envie d'y revenir étant la plus forte, les plongées suivantes charrient leur lot de découvertes tant (III) fourmille en réalité de petits détails indécelables pour une oreille encore neuve, de trésors nichés dans les méplats de son intimité la plus profonde. "Ara Caeli" et ses lignes de violon séduit aussi par sa construction dynamique, presque progressive, montée en puissance fiévreuse s'achevant en une explosion orgasmique.
Plus lourd, "Cielo Negro" s'enflamme jusqu'à un final d'une beauté totalement désespérée tandis que "Lilim" illustre bien le remarquable travail des Espagnols qui enrichissent par petites touches pointillistes leur Post Doom d'une mélancolie solaire : la prise de son laisse chaque instrument respirer, s'exprimer, les guitares sont belles, tressant des mélodies entêtantes, poussées par une rythmique ancrée dans la terre. D'ailleurs, il faut à tout prix souligner le jeu d'Alejandro Perez dont les rouleaux de batterie propulsent "Marte" qu'achèvent des notes de trompettes fantomatiques ainsi que le terminal "Espirita", véritable périple traversé de multiples aplats.
Qu'ajouter de plus hormis le fait que Toundra se fend à nouveau d'un disque exemplaire, subtilement différent de ses deux prédécesseurs dont il peaufine le style sans jamais se répéter. Et débarrassons-nous une bonne fois pour toute de cette étiquette "post machin " qui ne veut plus rien dire, si tant que cela ait jamais été le cas. Les Espagnols font du Rock, instrumental certes, voire un peu progressif, du reste plus dans l'esprit que dans la lettre, mais du Rock tout court quand même. Point final.