Le dernier album de Grey Lotus, "The Art Of Listening", n'avait pas à proprement emballé la rédaction de Music Waves. Derrière certaines qualités indéniables, le disque offrait le flanc à la critique par une trop grande linéarité, l'absence de mélodies des compositions et un recours par trop systématique aux guitares saturées. Bonne nouvelle : soit qu'ils aient lu et su tirer profit de notre avis éclairé, soit (ce qui est plus vraisemblable) qu'ils se soient d'eux-mêmes rendu compte des faiblesses de leur précédent opus, toujours est-il que le duo néerlandais livre avec "Our Little World Of Glass" un album nettement plus accrocheur.
Du point de vue du style musical, Grey Lotus reste fidèle à ce qu'il a fait jusqu'alors. On retrouvera donc un mélange de musique atmosphérique dérivant parfois sur de l'expérimental ou s'apparentant lors de moments hypnotiques et lancinants au courant post-rock. Mais les défauts de l'album précédents sont gommés : les mélodies existent, le groupe a recours avec parcimonie aux sonorités expérimentales et aux bruitages, les guitares sont moins présentes et moins saturées. Si le chant est toujours aussi peu charismatique ou énergique, il impose paradoxalement sa présence à force de détachement. Tellement dépassionné qu'il en fait peur, installant même un certain malaise, il est porté par des mélodies sombres et tristes, faisant beaucoup penser à Archive ou Aaron.
Les titres alternant claviers et guitares, recourent majoritairement aux instruments acoustiques : piano, guitare, mais aussi harmonica et accordéon, ce dernier jouant souvent le rôle d'élément fédérateur en apportant une touche d'exotisme et de mystère. Les percussions restent très discrètes tout au long du disque. Les mélodies sont mélancoliques, souvent intimistes, lentes, avec quelques velléités de crescendos vite étouffées.
Le groupe cultive un goût de l'intimisme à tel point que certains passages sont à la limite du seuil d'audition, même s'ils sont régulièrement ravivés par des bouffées d'énergie. Ces contrastes de puissance donnent certes du relief aux morceaux mais obligent l'auditeur à jouer avec son bouton de volume au risque de déranger les voisins si on veut tout entendre ou de ne pas capter la moitié des chansons si on étalonne le volume sur les passages forts.
Grey Lotus tout en restant très homogène a su diversifier ses compositions. L'album ne dégage pas une franche gaité mais finit par nous faire sombrer dans une mélancolie rêveuse. Une impression de désespérance et de solitude inéluctables se dégage de certains titres, nimbée d'une aura de poésie grâce à un mariage piano/accordéon/guitare acoustique très réussi. Pour amateurs de musiques feutrées, à la dérive et agrémentées d'une bonne dose de spleen.