Revenons un peu sur Reverend Bizarre, si vous le voulez bien. Aujourd’hui disparu, le groupe était travaillé par deux lignes de force, chacune incarnée par un de ses trois musiciens. Aux racines noires et mystiques d’Albert Witchfinder s’additionnaient plus qu’elles ne s’opposaient, les influences Heavy Metal qu’apportait Peter Vicar. Si, depuis le split de celui qui fut à l’origine du renouveau du Doom il y a dix ans, le chanteur et bassiste se fait discret, entre un Spiritus Mortis qu’il a rejoint en tant que simple vocaliste et un Opium Warlords hermétique (sans compter tous ses autres projets), il n’en va pas de même du guitariste chez qui on découvre peu à peu une inspiration qui dépasse largement le cadre du True Doom.
Plus que Lord Vicar, désormais son principal port d’attache, lequel poursuit la croisade Heavy entamée par son défunt aîné, ce sont Orne et aujourd’hui ce E-Muskigruppe Lux Ohr qui témoignent de cette surprenante ouverture musicale. Comme son nom le laisse deviner, ce dernier rend hommage à la kosmisch musik allemande des années 70, courant à priori totalement étranger au Metal pur et dur. Encore que de nombreux musiciens officiant dans le Black Metal, que l’on songe seulement à Varg Vikernes (Burzum) ou Fenriz de Darkhtrone et son éphémère projet Neptune Towers, n’ont jamais caché leur attirance pour ce qu’on appelait le krautrock.
Pour autant Kimi Kärki n’est pas le seul maître à bord du vaisseau et il serait donc exagéré de réduire ses trois acolytes au rang de simple boite à outil. Le projet est bien le fruit d'un effort commun. Le fait qu'il se soit tout d'abord longuement exprimé sur scène (cf. le Live At Sibelius Museum) avant de passer par la case album studio, illustre cette communion.
Le résultat est ce Kometenbahn jubilatoire en cela qu’il parvient à capter l’essence même du Rock spatial allemand des années 70 fait de longues plages quasi immobiles s’étirant à l’infini, autant de paysages lunaires évoquant Klaus Schulze et Tangerine Dream. A l’exception de l’atterrissage "Prolog Im Himmel", hanté par une voix informatisée, l’album déroule une trame entièrement instrumentale qui a quelque chose d’une lancinante exploration aux confins du cosmos. Le groupe y libère une myriade analogique de sons électroniques, duveteux souvent, étrange parfois ("Sonnenwind"), hypnotique toujours et qu’accompagnent de temps à autre une guitare éthérée aux accents stratosphériques ("Nachtgeist", "Mythos").
On baigne tout du long dans une ambiance stellaire à l’image du long "Durch Den Kosmischen Dunst", véritable expédition sonore au pouvoir d’évocation immense que propulsent ces synthétiseurs à la tessiture variée. C’est à la fois tranquille et fantomatique, insaisissable et passionnant. De fait, l’auditeur égaré pourrait aisément confondre Komentenbahn avec une relique (re)découverte il y a peu, au point qu’une analyse au carbone 14 effectuée sur le vinyle, seul format sous lequel il est (évidemment) édité, pourrait même attester de cette datation. C’est dire la maîtrise de ces Finlandais dont on souhaite qu’ils n'en restent pas là…