On peut l'affirmer sans trop se tromper, avec Anciients, Season Of Mist a dégoté la perle rare, la poule aux oeufs d'or, ce graal dont tous les labels rêvent. De son nom perturbé par cette double voyelle au remarquable visuel de Heart Of Oak, son premier opus, les indices révélant qu'on tient là autre chose qu'un groupe de plus, ne manquent pas. Et ce sont les oreilles quasi vierges - les Canadiens n'avaient à ce jour enfanté qu'un EP deux titres en 2011 (Snakebeard) - que nous abordons l'écoute de cet album.
Au jeu des comparaisons, sachez que Anciients pourrait être le fruit de l'accouplement (forcément) sauvage entre le Mastodon période Blood Mountain pour sa dynamique progressive et High On Fire pour cette puissance velu du feu de dieu. Vous aurez alors une (petite) idée de la musique qu'il façonne. Vraiment petite car prétendre réduire son propos à ce type de raccourci commode tient plus de l'insulte que de la définition.
Du haut de ses 61 minutes au compteur, Heart Of Oak a quelque chose d'une épopée aussi dense que foisonnante mais d'une unité admirable. Ses neuf compositions sont irriguées par des guitares tour à tour plombées, érigeant alors une forteresse inviolable, et puissant vecteur émotionnel, entre les mains de la paire Chris Dyck / Kenneth Paul Cook, laquelle se partage également le chant, alternance de lignes claires ou énervées. D'une intensité cataclysmique, chaque titre abrite des trésors d'écriture et d'exécution, bunker de parties instrumentales qui donne le vertige par leur virtuosité. "Faith And Oath" résume bien ces qualités, bloc dont la rage se conjugue à une étourdissante beauté.
Après une longue et majestueuse entame, "Raise The Sun" décolle, compo tendue comme le foc d'un navire, amorçant l'écoute avec ce mélange de violence et de finesse qui sera le maître mot de Heart Of Oak. Cisaillé par les coups de griffes acérées des deux guitares, "Overthrone" lui succède avant de laisser la place aux deux pièces les plus progressives du lot, véritable épicentre de l'album. "Falling In Line" que perforent toujours ces attaques furieuses puis "The Longest River" sont des récits où s'emboîtent de multiples strates.
S'ouvrant en douceur sur des arpèges délicats avant de partir galoper vers l'Absolu, le second des deux se révèle être un joyau, enraciné dans un socle forestier, charriant une terre épaisse. C'est aussi dans ce substrat rugueux que la personnalité des Canadiens se matérialise. Au rang des envolées progressives, citons aussi "Flood And Fire" et surtout "For Lisa", longue respiration instrumentale qui voit les six-cordes aux accents parfois bluesy, mener la danse sur un lit de claviers aux teintes psychédéliques et achever l'album sur une note étonnante.
Vient le temps de conclure. Heart Of Oak n'est qu'un premier album... De fait, on n'ose à peine imaginer l'ampleur du tsunami à venir...