Lorsqu'en 1996 sort le formidable Vae Victis, 2è album du groupe Suisse Galaad, nul n'aurait imaginé que Pierre-Yves Theurillat, fondateur et tête pensante du groupe, allait nous "offrir" une aussi longue éclipse musicale. Ce n'est en effet que 15 ans plus tard qu'à la tête de son Escouade, et via des Confidences de Mouches largement encensées par la critique, que notre homme brisera le mur de son silence discographique. Sur la lancée de ce retour en fanfare, l'artiste publie aujourd'hui sous son nom propre un nouvel album, Carnet d'un visage de Pluie qui, à la base, aurait même dû constituer la troisième branche de l'étoile Galaad, le retour aux affaires de son acolyte Sébastien Froidevaux n'étant probablement pas étranger à l'affaire.
Et pourtant, c'est plutôt dans un style quelque peu éloigné de leurs saillies des années nonantes que les deux compères nous proposent 11 nouvelles chansons. Passée une courte introduction évoquant Yann Tiersen, les premières mesures d'Un Temps Inoubliable vont renvoyer tous ceux qui ont apprécié les Confidences de Mouche dans l'univers inimitable de PYT, dont les textes s'avèrent d'une musicalité incroyable, prouvant ainsi que le français est également une langue qui se manipule très bien en musique. Pourtant, comme pour mieux contredire cet adage, PYT s'essaiera néanmoins à l'anglais sur quatre titres, lesquels présentent du coup une tonalité bien différente.
Sur le plan musical, l'ensemble se compose d'un alliage entre la tendance acoustique largement dominante du projet Escouade, et un côté beaucoup plus électrique et majestueux, venant en parfaite harmonie soutenir des compositions où le talent mélodique des auteurs éclate de nouveau au grand jour. Comme un clin d'œil à l'un de des groupes de prédilection de PYT, les saillies de guitare électrique, très présentes, renvoient aux plus belles heures d'un certain Steve Rothery.
Des titres comme Tôt ou Tard ou On the Air sont ainsi véritablement sublimés par ces soli qui, loin de tourner à la caricature s'avèrent un superbe embellissement de chansons à l'univers magique, où la tendance rock se révèle tant dans les chorus majestueux qui régulièrement viennent soutenir les refrains, que dans la voix de Pierre-Yves Theurillat, aux intonations volontairement bien plus brutes que sur sa précédente production. La coloration néo-progressive des années 90 est donc bien présente dans le spectre sonore, mais sans que la construction des différents titres ne puisse être vraiment associée à cet univers.
Après les multiples écoutes nécessaires à la construction d'une opinion et d'une analyse pouvant être couchée sur "papier", je me surprends à réécouter avec toujours autant de plaisir et sans lassitude les 11 compositions de ce Carnet d'un Visage de Pluie, signe indéniable de qualité et qui me fait affirmer une nouvelle fois que PYT mérite bien plus que le relatif anonymat dans lequel il produit une musique génératrice d'émotions et de multiples bonheurs. Accessible à tous, cet album est un nouvel indispensable à faire figurer dans la discothèque de tout amateur de musique, tout simplement.