Ils sont Russes mais cela ne s'entend pas. C'est une accorte jeune femme qui éructe dans le micro et cela ne s'entend pas non plus. Après quasiment dix années d'activisme, Grace Disgraced régurgite enfin son premier rôt longue durée.
Si la présence de la charmante Polina pouvait laisser espérer chez certains une sorte de Arch Enemy version slave, Sinister et l'éphémère Rachel sont plutôt les références qui sautent aux oreilles une fois la bestiole mis en branle, la brutale technique à l'américaine (Suffocation, Kataklysm) en plus. Durant près de quarante minutes, le groupe maintient une turgescence dans l'intensité, aidé en cela par un niveau d'exécution qui n'a rien à envier à leurs frères d'arme occidentaux et par une étouffante architecture aux longs tentacules.
Pour autant, s'il abat le petit bois, fait saigner les muqueuses ("Hypocritical Oath"), Enthrallement Traced n'est pas l'infâme zombie auquel on pouvait s'attendre car il sonne au final (presque) mélodique, qualité (ou pas) qu'il doit à ses zébrures de guitares leads ("Prophecy Of Somnanbulist"), à ces lignes de basse toutes en rondeurs ("To Autumn") et à ses bunkers plombés, rampants, tels que "Adzhimuskai" ou "Orchids Of The Fallen Empire" que laminent néanmoins quelques véloces coups de boutoir.
Tout ça ne fait pas de ce jet séminal et purulent un grand disque mais le sauve de l'ennui à défaut de l'exonérer d'un tenace air de déjà-entendu. Reste que Polina vocifère avec une énergie d'outre-tombe et que les compos, sans être exceptionnelles, déversent une tripaille parfois appétissante, suffisamment dynamiques pour accrocher la mémoire et ce faisant, imprégner l'écoute d'un sentiment globalement positif.
Du coup, Enthrallement Traced s'impose comme une solide galette, à la prise de son carrée et animée par des musiciens au métier incontestable, dont le travail mérite amplement d'être découvert. Du bon gros Death Metal qui tâche, plus technique qu'effrayant.