Dès ses débuts, le Black Metal norvégien a fait montre de véléités évolutives évidentes, que l'on songe à In The Woods ou à Borknagar, se nourrissant d'influences atmosphériques et progressives. De fait, on peut presque parler d'une vraie famille de musiciens autour de figures de proue telles que Kjetil Nordhus (Green Carnation) ou Lazare Nedland. Ce n'est donc pas un hasard si le premier a brièvement intégré In Vain qui par ailleurs partage avec Solefald un même vivier humain.
Découvert en 2007 avec un premier album, The Latter Rain, dont la qualité était attendue eu égard au métier de ses géniteurs, le sujet de cette chronique a par contre quelque peu raté le coche avec un Mantra peu mémorable bien que toujours extrêmement bien fait. Les Norvégiens se devaient donc ne de plus décevoir. Ænigma est-il à la hauteur de son aîné de six ans ?
En sept minutes, "Against The Grain" livre la réponse, énorme et majestueuse, ouverture monumentale durant laquelle le chant clair de l'organiste Sindre Nedland, lequel n'est autre que le frère de Lazare (quelle talentueuse famille !) procure des frissons. La parenté vocale saute aux oreilles, plus encore lorsque le frangin surgit avec son compère de Solefald, sur "Image Of Time". L'ombre de ce dernier recouvre du reste de nombreux titres, à commencer par le long "Culmination Of The Enigma" dont le saxophone semble tout droit provenir de In Harmonia Universali.
Déjà pour une bonne part responsable de la réussite d'Oratorium de Funeral, Sindre propulse donc In Vain vers des sommets qu'il n'avait encore jamais atteint, miroir limpide à l'organe caverneux du bassiste K. Wikstol. Membre historique jusqu'alors discret, il est assurément l'homme de cet album. De fait, les lignes vocales, hurlées, claires ou parlées, ont été particulièrement peaufinées, mises en valeur par les doigts de fée de Jens Bogren dont les productions les mettent toujours à l'honneur, de Katatonia à Opeth en passant par Soilwork.
En dépit d'une fin de parcours moins intéressante qu'animent "To The Core", le morceau le plus agressif du lot puis "Floating On The Murmuring Tide" qui traîne en longueur et manque d'unité malgré de beaux passages acoustiques, la brillante inspiration de l'oeuvre emporte tout, foisonnante et jouissive, berceau où fermentent des compositions aux allures de travail d'orfèvre qui explosent en une myriade de saveurs auditives, à l'image de "Times Of Yore", imbrication étourdisssante de multiples influences qu'achève un final beau comme un chat qui dort ou bien encore "Rise Against" sans oublier "Hymne Til Havet", drakkar atmosphérique brisant les eaux gelés d'un fjord séculaire.
Avec Ænigma, In Vain se rappelle à notre bon souvenir, signant ici son meilleur album.