Le label Black Widow est presque une AOC à lui tout seul, garant d'une musique oscillant entre Dark Prog, Doom psyché, parfois bizzaroïde, toujours sombre. Quand bien même A Quiet Land Of Fear n'est en fait que distribué par l'écurie italienne - il s'agit d'une production BloodRock Records -, Demetra Sine Sie se coule aisément dans un catalogue où Antonius Rex cotoie aussi bien Orne que Crowned In Earth. Vous ne pourrez pas dire que nous ne vous avions pas prévenu.
Fondé en 2003 par la paire constituée de Marco Paddeu et Marcello Fattore, le projet accouche d'un premier effort en 2008 (Council From Kaos). Les années qui suivent voient les Italiens façonner leur créature, moins industrielle, plus Doom et psychédélique mais d'une noirceur pulsative intacte. Le résultat de cette lente maturation aboutit à cette nouvelle offrande. Forcément inclassable, A Quiet Land Of Fear a de quoi perturber, magma déglingué d'où émergent seulement quelques riffs au lourd fuselage, unique balise à laquelle se raccrocher.
De fait, ce sont les plaintes aux atours les plus Metal qui s'incrustent dans la mémoire, parmi lesquelles "Black Swan", dérelict obsédant que fragmentent des crevasses ultra Heavy ou bien encore le titre éponyme. Sans pouvoir se targuer de posséder le même génie que King Crimson pour les ambiances schizophréniques, Demetra Sine Die sait avec largesse ouvrir les vannes d'une folie rampante et prolifératrice.
Longue pièce ne filant jamais droit, "Distances" matérialise bien cette contagion sonore, entre saxophone hanté, rouleaux de batterie qui se fracassent contre une falaise à la roche noire d'où perle une voix figée qui évoquera le spectre du Steve Wilson des débuts de Porcupine Tree. D'ailleurs, ces lignes vocales ne sont pas ce que les Italiens maîtrisent le mieux ("Red Sky Of Sorrow"), quand bien même elles participent de cette étrangeté décalée. On leur préfèrera les échappées instrumentales, évocatrices de paysages à la poésie angoissante, à l'image de la première partie de "That Day I Will Desappear Into The Sun" qui par la suite se colore lui aussi de la pesante influence de l'arbre à porcépique. Soulignons aussi le travail intéressant fourni en terme de rythmiques ("O Kilometers To Nothing"), lequel confère à l'ensemble des allures de transe hypnotique et percussive.
Comme souvent, l'appréciation de A Quiet Land Of Fear, capable de faire le vide autour de lui comme d'avaler toute source de lumière alentour, se veut très subjective. Il est pourtant permis d'y déceler une espèce de sourde et lointaine beauté, nichée dans les profondeurs de sa froide intimité.