Si Soft Machine Legacy, avec son dernier album “Burden of Proof”, n’en est qu’à son troisième album solo - le dernier datant déjà de six années - chacun des membres du quatuor peut s’enorgueillir d’un CV extrêmement fourni, tant leur expérience de la scène (surtout Canterbury) a été foisonnante. Ces musiciens-là n’ont plus rien à prouver et font montre d’une évidente maîtrise.
Loin des variations mélodiques du progressif, la musique de Soft Machine Legacy s’ancre solidement dans le blues - voir la démonstration d’école de ‘Pie Chart’ et bien sûr dans le style Canterbury, le sax de Théo Travis apportant la couleur ad hoc. La tonalité résolument jazz de l’album risque cependant de limiter son auditoire à un public restreint. Certaines pièces sont particulièrement hermétiques, parfois atonales (JSP, Fallout, The Brief, Going Somewhere Canorous? et une bonne partie de Green Cubes).
Pour la plupart des autres morceaux, les ficelles (remarquablement utilisées) du jazz sont très visibles : exposition du thème, section libre au sax/guitare pendant x mesures, puis passage de relais à la guitare/sax suivi de la reprise du thème et la conclusion. Cette maîtrise du découpage emballera probablement les adulateurs du jazz, mais laissera de marbre les amateurs de développements mélodiquement structurés, chacun des musiciens paraissant souvent jouer en impro pour lui-même, même si certains morceaux apparaissent plus en symbiose (Kings and Queens).
Techniquement très maîtrisé, “Burden of Proof” est une démonstration de savoir-faire réservée à ceux qui possèdent les clés du style et en apprécient la manière. Pour les autres, il est à craindre que le propos restera au mieux purement technique, au pire abscons.