Lee Dorrian mérite notre éternel respect. Pour Napalm Death et surtout Cathedral avec lequel il a su très tôt honorer l’héritage sabbathien quand le groupe de Tony Iommi n’intéressait plus personne, alors à peine capable de remplir l’Elysée Montmartre. Pour Rise Above enfin et son insatiable esprit de découverte, véritable tête chercheuse de pépites biberonnées aux années 70 le plus souvent. Blood Ceremony, Astra, Diagonal, Purson ou Uncle Acid And The Deadbeats : la litanie est longue de ces formations anachroniques mais O combien excitantes.
Gage de qualité donc, on suit toujours avec intérêt les sorties de ce label à l’aura culte pour une fois parfaitement justifiée. Sans sa caution, aurions-nous fait l’effort de découvrir Admiral Sir Cloudesley Shovell ? Pas sûr. Un nom improbable et un visuel, celui de Don’t Hear it… Fear It !, son galop d’essai, qui l’est tout autant, ne sont pas des attributs très engageants. A tort car encore une fois, Dorrian n’a pas manqué de flair.
Si certains ont été bien inspirés en se procurant le 7’ Return To Zero, épuisé peu de temps après sa mise en vente en 2010, une majorité, dont votre serviteur fait partie, se passera donc de préliminaires pour déflorer l’intimité de ce groupe. Avec son look garanti 100% vintage, ce power-trio aurait pu être un hommage de plus aux si chères et regrettées seventies. Oui mais non justement car, moins psyché et tout simplement plus Hard, Admiral Sir Cloudesley Shovell possède ce sens du riffing granuleux, celui de la basse généreuse, celui du solo qui emporte tout, autant de qualités qui le distinguent du tout venant.
Loin des ambiances duveteuses auxquelles se limitent trop souvent les autres voyageurs dans le temps, ces Rosbifs conservent tout du long une dureté de ton qui renvoie directement aux prémices du genre qu’incarnaient Blue Öyster Cult, MC5 ou Grandfunkl Railroad. Le chant et cette guitare qui hurle alimentent ce son assez rugueux qu’une production dépouillée mais dynamique souligne encore davantage, à peine adouci par un clavier discret. De plus, l’album repose sur une écriture aussi chaleureuse qu’accrocheuse. Tous les titres font mouche, laissant de durables résidus dans la mémoire, depuis l’amorce "Mark Of The Beast" au lent "Devil’s Island" sans oublier "Scatchin’ And Sniffin’", teintés de cet occultisme psyché typique de l’époque qui les inspire.
Merci Lee Dorrian, encore une fois, pour cette jubilatoire découverte aux allures de machine à remonter le temps...