La parution en 2012 de Bartok's Crisis, premier album d'Eclipse Sol-Air était passée quasiment inaperçue dans la plupart des mag et webzines francophones à l'exception notoire de nos confrères de Big Bang. Je dois aujourd'hui leur adresser mes remerciements les plus sincères pour nous avoir mis la puce à l'oreille et donné l'envie de découvrir cette formation intégrant des membres d'origine franco-allemande avec une touche sud-américaine pour la titulaire des claviers.
Inutile en effet de faire durer plus longtemps le suspens : derrière ce nom de groupe en forme d'hommage déguisé à Pink Floyd se cachent sept jeunes fabuleux instrumentistes dont les talents d'interprètes sont mis en valeur par une capacité d'écriture et d'arrangement hors du commun. Parvenir en effet à rendre le rock progressif aussi accessible, en l'affublant d'une modernité de chaque instant tout en conservant son essence et son intérêt n'est ni plus ni moins que la marque des plus grands.
C'est en effet sur la base de chansons que la plupart des titres de Schizophilia s'articulent : couplets et refrains s'enchaînent régulièrement en début de morceau, avec déjà un effort tout particulier porté sur les mélodies. Les paroles basculent sans complexe du français à l'anglais, de même que les voix féminines (magnifiquement travaillées) et masculines alternent avec bonheur. Du côté de l'instrumentation, aucune surenchère ni de soli déplacés ; le groupe évite les clichés qui ont pollué l'ambition de nombreuses formations de néo-progressif pour proposer des accompagnements riches mais non envahissants, aux contours issus de la musique classique, et servis par la production aérienne et d'une clarté lumineuse d'un certain Frank Bornemann, tête pensante depuis plus de 40 ans d'Eloy ! L'espace sonore se complète également de nombreuses interventions de flûte et de violon, reliant habilement la musique du groupe à celle des glorieux anciens.
Avec tous ces ingrédients, Eclipse Sol-Air est ainsi capable de produire de véritables tubes pop/rock qui pourraient s'imposer sur les ondes (My Heart Belongs to You et son exceptionnel chorus), mais aussi de ravir les oreilles des amateurs de structures plus complexes. A ce titre, Watch Over You propose en presque 10 minutes tout ce qu'un amateur de musiques progressives est en droit d'attendre : composition à tiroirs, ambiances multiples, passages instrumentaux techniques, rythmiques complexes lorgnant du côté du meilleur Magma, soli inspirés, parties vocales envoûtantes, le tout servi par une interprétation de très haut niveau.
Dans le même ordre d'idée, Destiny of Freedom démontre qu'il est tout à fait possible de proposer un titre progressif en à peine 4 minutes. Et ne parlons pas ici de l'ambiance on ne peut plus équivoque qui colle à la peau du torturé Asylum, mêlant métal, psychédélisme et progressif symphonique pour emmener l'auditeur au plus profond de l'univers évoqué.
Inutile de poursuivre plus loin la description, les éloges pouvant être appliquées à la totalité des 52 minutes de Schizophilia. Inutile également de la jouer modeste : Eclipse Sol-Air rentre directement dans la cour des grands, et ce serait leur faire offense que de ne pas le faire savoir au plus grand nombre tant le talent de cette troupe bigarrée le mérite. Tout simplement indispensable.