Depuis ses origines, la chapelle Doom finlandaise aime à cultiver le mystère, l'étrangeté, le bizarre. Davantage que ses révérends traditionnels, ce sont ses prêtres les plus funéraires, les plus extrêmes, qui conjuguent leur culte avec un hermétisme porté au rang d'art. Skepticism, Unholy ou Tyranny en sont de bons exemples, lesquels ont trouvé en Dark Buddha Rising le digne héritier, moins pour sa musique (?) que pour cette opacité, cette philosophie des ténèbres.
Depuis 2007, les trois créatures qui l'animent sculptent des albums aux allures de blocs pétrifiés, calvaires labyrinthiques viciés, étouffants où la durée extrême des chansons (?) procède d'une dimension rituelle évidente. Aucune balise, aucune lumière même fugace ne viennent jamais briser ces interminables cérémonies d'une rare démesure dans la lenteur engourdissante.
Subdivisé en six pistes de 11 à 15 minutes chacune, dont les noms se résument à une simple lettre, Dakhmandal ne déroge donc pas la règle. Sa forme invite de fait à l'appréhender à la manière d'un monolithe indivisible dont le caractère monumental empêche d'en discerner les limites. Ceci étant, "D", qui amorce l'immersion, semble tout d'abord infirmer ce constat, lente pulsation cotonneuse aux relents psyché qui endort (dans le bon sens du terme) l'auditeur par la ligne hypnotique qui la sillonne de part en part. Mais le titre se veut trop sombre pour confondre les Finlandais avec le Rock vintage à la (dernière) mode, façon pour eux d'exploiter le genre en l'empoisonnant sournoisement.
Puis, à partir de "K", Dark Buddah Rising s'abîme dans les profondeurs telluriques, celles de ces Fosses Mariannes dont l'Homme n'a toujours pas pu explorer les fonds. Quand bien même "M" renoue plus tard avec les accents enfumés du morceau d'ouverture, quoique d'une manière assez lointaine et étrange et toujours pollué par une lèpre occulte, Dakhmandal a quelque chose d'une lancinante plongée dans les abysses dont le guide est ce chant incantatoire sur un socle instrumental vénéneux et rouillé, constamment au bord de la rupture ("N"). Et c'est dans un magma de bruitage aux confins de la folie qui confine à une forme de transe chamanique que meurt l'album avec "L", conclusion chaotique idéale d'un office qui vous hantera longtemps après que ses dernières notes se soient éteintes.
Expérience sonore hallucinée, Dark Buddha Rising, s'il se veut cette fois-ci plus accessible (tout est relatif), demeure néanmoins ce projet unique qu'une vie entière ne suffira jamais à en faire le tour.