Rares sont les groupes qui parviennent désormais à développer un univers autant sonore que visuel qui n'appartient qu'à eux. Kvelertak rejoint cette poignée d'artistes dont les créations ne ressemblent à nulle autres. Il n'a pourtant fallu aux Norvégiens qu'un seul album, leur premier, pour laisser une empreinte tenace à la fois occulaire - ce qu'ils doivent au travail de John Baizley (Baroness) dont le style est il est vrai reconnaissable entre mille - et mental, résultat d'un alliage indescriptible maladroitement étiqueté "Black/punk'n'roll, faute de mieux. La vérité se situe toutefois bien quelque part dans les environs, maraudant à la frontière de plusieurs genres, permettant ainsi au collectif d'embrasser un public relativement large eu égard à la présence de racines extrêmes qui font plus qu'affleurer à la surface.
Le succès, mérité, qu'a rencontré dès sa sortie son prédécesseur l'explique peut-être... Le fait est que Meir affiche un visage désormais plus accessible bien que toujours aussi ravagé, face striée de multiples traits qui se croisent. L'écriture se veut toujours bouillonnante, immédiate et faussement bordélique mais il y aussi ces lignes de guitares biberonnées au grand Hard Rock. D'un coup, les Norvégiens tendent une main salvatrice, comme ils le font avec "Trepan", brulôt tout d'abord frissonnant d'un Black Metal survolé mais qui en cours de route se débarrasse de cet apparat noir pour décoller très haut. On tient d'ailleurs là un signe distinctif de cet opus, lequel trouve dans ces échappées, dans ces respirations plus atmosphériques, une personnalité qui lui est propre, faisant de lui bien davantage qu'une simple resucée.
Après une première partie propulsée par ce rythme aussi débridé que nerveux dont est coutumier le groupe, Meir aligne en revanche en fin de parcours des compos à la longueur étonnante et notamment "Tordenbrak", pourvu d'un final aux dimensions cosmiques. Celui-ci n'hésite ainsi pas à tutoyer les 9 minutes avec son architecture décomplexée propice à la cohabitation de parties rageuses et d'autres sinon plus posées du moins ouvertes sur un espace plus évolutif sans pourtant mettre en jachère cette inspiration frénétique et généreuse.
Pandémonium orgiaque où copulent Sludge de par le chant frotté avec du papier de verre de Erlend Hjelvik, Black Metal, Rock'n' roll énervé et Punk coloré, Meir donne l'impression de partir dans toutes les directions pour finalement n'en rejoindre qu'une seule, celle tracée par une formation qui n'a décidément pas froid aux yeux ! Et puis, de toute façon, comment avec des préliminaires tels que "Äpenbaring", l'orgasme ne peut-il pas jaillir à chaque coin d'une écoute tout du long jubilatoire ?