Eternity est l’album qui marqua la métamorphose des anglais d’Anathema. Naguère combo pratiquant un doom à l’agressivité non contenue, voila que sur cet opus le groupe venait de faire un premier pas vers le style caractéristique plus atmosphérique qui allait en faire leur marque de fabrique dans l’avenir. Encore assez marqué par des réminiscences du passé, ce disque était devenu le passage obligé pour aboutir aux géniaux Alternative 4 et Judgement qui suivront.
Anathema n’en a pas pour autant perdu son aspect métal. Les riffs restent lourds, le tempo assez varié, parfois lent, parfois plus enlevé, et l’ambiance générale toujours marquée de cette empreinte de furieux mal-être. En réalité, le plus gros changement revient à la voix de Vincent Cavanagh. Celui-ci adopte un chant clair très intense qui lui sied bien mieux. On sent vraiment qu’il vit ce qu’il chante et en ce sens, on peut légitimement dire qu’il est un excellent chanteur.
Ensuite, la recherche de la mélodie est clairement bien plus poussée. Sur The Silent Enigma, le groupe avait tendance à les noyer sous un mur de guitares. Sur Eternity, voila que les mélodies grignotent du terrain, gagnent en finesse et utilisent une gamme de tonalité plus poussée (comme par exemple ce magnifique piano). Le groupe continue de tisser comme jamais des ambiances parfois magnifiques, souvent très sombres mais nettement moins malsaines que sur leur disque précédent (le chant y étant pour beaucoup). Anathema reste malgré tout le chantre de la dépression musicale. L’ambiance lourde voir étouffante qui ressort de leurs productions peut ne pas plaire à tout le monde…
Ceci dit, il m’est impossible de passer sous silence l’extraordinaire beauté de l’intro Sentient, réussissant l’exploit, en à peine quelques notes, de profondément me bouleverser. Citons les autres temps forts que sont le très réussi Angelica, le merveilleux Eternity Part II jouant avec les ambiances ou encore le passionnant Hope qui n’est autre que la reprise du titre écrit par David Gilmour pour Roy Harper. Sans oublier dans un tout autre registre Suicide Veil, presque malsain tellement son ambiance vous prend aux tripes. La fin de l’album, un peu moins prenante, se laisse écouter avec un certain plaisir, à l’instar du très atmosphérique et énergique Far Away.
Eternity, album charnière d’Anathema, reste surtout celui qui lança la nouvelle orientation d’un groupe d’exception. En revanche, j’avoue lui préférer les oeuvres qui suivront. Celles-ci, plus poussées dans la recherche émotionnelle, plus homogènes, plus réfléchies, et au style mieux assumé, enfonceront le clou que cet Eternity venait de planter dans mon cœur de mélomane…