Après le succès phénoménal rencontré par Architecture & Morality, gloire à laquelle le duo n'était d'ailleurs pas forcément préparé, OMD se remet au travail et va mettre deux années pour accoucher de son nouveau projet, Dazzle Ships (1), album dont le concept tourne autour de la guerre froide et du bloc communiste constitué en Europe de l'Est.
Et quand on parle de froid, c'est une véritable douche du même nom qui va s'abattre sur les oreilles de la cohorte de fans que le groupe avait jusqu'alors constitué à grands coups de hits électro-pop aux refrains et rythmiques imparables. Revenant à leurs premières amours et notamment à leur admiration pour l'œuvre de Kraftwerk, auquel il rend d'ailleurs un hommage plus qu'appuyé avec le titre Genetic Engineering basé sur le morceau Computer World extrait de la discographie des allemands, le duo anglais va jouer la carte de l'expérimentation sur une bonne partie de ce nouvel album, au risque de générer un véritable suicide commercial. En effet, quoi de plus surprenant que le générique de Radio Prague en ouverture ou encore un titre composé de la superposition d'horloges parlantes de différents pays (Time Zone) ? Le répétitif ABC Auto-Industry et les bruitages industriels qui composent le titre éponyme, évoquant l'environnement d'un sous-marin, finiront de désorienter l'auditeur le moins ouvert à ce genre d'expériences, jusqu'à en provoquer le rejet complet.
Et c'est d'ailleurs ce que j'ai personnellement expérimenté lors de l'achat de cette galette au moment de sa sortie, avant de m'y intéresser de nouveau quelques années plus tard. Et avec le recul, je me suis rendu compte qu'elle renfermait elle aussi son lot de perles pop. Aux côtés du single Telegraph qui connut lui aussi un beau succès dans notre pays, on trouve quelques moments de bonheur finement ciselés, tels le dynamique Radio Waves ou le plus apaisé Of All the Things We've Made , placé judicieusement en clôture d'album, dans lesquels le sens mélodique d'OMD s'avère toujours aussi efficace, même si la modernité des accompagnements tranche parfois avec le côté plus simpliste présent sur les précédentes productions du groupe.
Album à part dans la discographie d'OMD, Dazzle Ships est probablement celui qui nécessitera de la part de l'auditeur qui le découvre une certaine remise en question de sa vision de l'univers du groupe. Passé ce moment d'appréhension, l'album révélera alors des atours certes moins luxuriants et immédiats que son prédécesseur, mais certainement pas dénués d'intérêt.
(1) Lors de la première guerre mondiale, les Dazzle Ships étaient des bateaux repeints avec un camouflage constitué de formes géométriques entrelacées, celles-ci étant censées perturber l'évaluation des distances et la localisation des navires. La peinture qui orne la première version de l'album est ainsi évocatrice de cette technique particulière.