Seconde émanation noire de Artefactum, one woman band menée par la mystérieuse Merissa d’Erlette, Chaos Elements est encore une fois une de ces œuvres qui se vit, se ressent plus qu’elle ne s’écoute. Hermétique à plus d’un titre, elle est une lente plongée dans les abysses. Bande son entre ambiant hypnotique et musique drone inquiétante au souffle tellurique, Chaos Elements semble constamment écartelé entre beauté contemplative et laideur grondante.
Si la première piste, "Aurora Over Labyrinth", dessine un décor (faussement) rassurant, brume qui se lève au-dessus du chaos, dès le magnifique "Terra", la Polonaise nous entraîne dans son sillage dans un labyrinthe dont elle seule possède sans doute la clé. Malgré ses belles nappes électroniques, il s’agit d’un magma bourdonnant de sons comme vomi des entrailles de la terre.
Artefactum livre sa vision des quatre éléments, une vision étrange et crépusculaire, toujours au bord d’un gouffre, impression confirmée par "Aer", dérélict étouffant qui dérive dans un brouillard nébuleux, copulation d’atmosphères à la fois aériennes et industrielles, cependant que "Ignis" adopte les courbes décharnées et minimaliste d’un monstre d’où ruisselle un torrent de sang mélancolique.
Bien que subdivisé en six segments, Chaos Elements se divise en réalité et très clairement en deux parties : une longue pièce en quatre temps, expression sonore désespérée de la terre, de l’air, du feu et de l’eau, quatre plages que cimentent des effluves de sons autarciques et qu’encadrent deux forteresses - "Aurora Over Labyrinth of the World" et "From Sulphur To Mercury : Hermetic Triumph" - qui elles aussi se répondent par une communauté d’ambiances et de motifs identiques, construction qui confère à ce Chaos Elements des allures cycliques évidentes.
(Forcément) difficile d’accès, est-ce un bon album ? La réponse dépend de votre conception de la musique, selon que vous la définissez comme un plaisir immédiat ou bien comme un moyen de transport vers un ailleurs organique et presque divin. Chaos Elements a définitivement quelque chose de démiurgique.