Les deux précédents albums de Supertramp furent, en quelque sorte, un essai et sa transformation. C'est le moment idéal pour qu'un groupe capote. Sera-t-il le cas de Supertramp ?
Bien au contraire. "Even in the quietest moments" n'est pas, objectivement, meilleur ou moins bien que "Crime of the century". Il est une évolution logique et un paroxysme de la carrière de ses auteurs. C'est un album plus clair, moins mélancolique (cette mélancolie qui est la marque de fabrique la plus sûre du Supertramp de la grande époque). Mais tout dans "Even..." est en maturité et en maîtrise. Le morceau-titre est un collage de sons au résultat plus que probant, "Babaji" est un délire glamour comme le groupe sait si bien le faire, "From now on" la synthèse de toute l'âme blues que le groupe exploite plus souvent qu'on ne le pense.
Et surtout, l'album se clôt par "Fool's Overture". Carte de visite, vitrine, ou courronne du groupe : "le" morceau de Supertramp à retenir, mille fois plus que tous leurs tubes galvaudés par RFM. "Fool's Overture" et ses douze minutes, de piano, de cordes, de saxophone ruisselant de larmes et de chant haut perché si haut en émotion. "Fool's Overture" est la plus belle définition de Supertramp : un groupe déllirant, touchant, imaginatif, dont le magique mystère est de savoir construire un style si unique, si inimitable, si architectural, tout en gardant intacte sa simplicité et sa modestie. "Even..." aurait pu être un album génial. Il est, avec "Fool's Overture", un chef-d'oeuvre incontournable du rock Progressif.