Famous Last Words, paru en 1982, revêt pour les amateurs de Supertramp une connotation tout à fait particulière : c’est en effet le dernier album du groupe avec Roger Hodgson. On le sait, le succès de Supertramp a été assez tardif, après deux albums distribués confidentiellement, et n’est venu qu’à la parution (fracassante) de Crime Of The Century, qui révélait au monde la qualité du tandem Hodgson (la voix aiguë à la guitare) - Davies (la voix grave au piano). Succès qui ne se démentira pas pendant plusieurs années, avec comme point culminant la sortie de Breakfast In America, trois ans avant l’album qui nous intéresse aujourd’hui.
Le line-up est resté le même depuis Crime Of The Century, et après le retentissement planétaire de Breakfast In America et la tournée triomphale couronnée par la sortie du Live In Paris, les fans attendent énormément de cet album. L’artwork est a posteriori plein de symboles, et rien que le titre laisse présager de la dissociation du groupe. En effet, la pochette montre une allégorie du bûcheron en train de scier la branche sur laquelle il est assis. Malgré les sombres présages qui pourraient laisser penser que le groupe est sur le laisser-aller proche de la dissolution qui précède l’éclatement d’un combo, le contenu montre le savoir-faire toujours présent du groupe, même si la séparation des genres (Hodgson le mélodiste mélancolique vs. Davies le bluesman) est plus nette que sur les albums précédents.
Nous retrouvons donc sans surprise les éléments qui ont fait le succès du groupe : la rythmique piano impeccable (Put On Your Old Brown Shoes, Waiting So Long), les solos de sax de John Helliwell (dans le gros blues My Kind Of Lady, une resucée bien réussie de Ain’t Nobody But Me), le hit (trop ?) calibré (It’s Raining Again)... Mais, car il y a un mais, la magie présente sur les albums précédents, déjà mise à mal dans Breakfast In America, s’étiole de plus en plus. Ainsi certains titres apparaissent désincarnés : le piano lent de Bonnie prend des airs d’Elton John en petite forme, le refrain de C’est Le Bon paraît assez geignard, les chœurs de Put On Your Old Brown Shoes sont un tantinet artificiels. D’une façon générale, les compositions servies par Rick Davies sont un cran en-dessous de ce que le groupe propose habituellement, bien que toujours soutenues par un swing vocal bien utilisé.
C’est plutôt Roger qui s’en tire le mieux, notamment avec Know Who You Are, un des plus beaux titres mélancoliques du groupe, et la fin decrescendo très atmosphérique de Don’t Leave Me Now, où la musique s’évanouit en laissant échapper des soupirs à l’harmonica comme au début mythique du School qui ouvrait Crime Of The Century.
Ces éclairs de génie ne sauvent pas un Famous Last Words en demi-teinte, dans lequel il apparait clairement que le délicat équilibre qui faisait fonctionner le duo Davies-Hodgson est rompu. Suite à cet album, insatisfait de l’esprit régnant dans le groupe, Roger quittera Supertramp pour commencer avec brio une carrière solo. Le quatuor restant fera paraître trois années plus tard Brother Where You Bound, de facture assez différente, ouvrant la troisième ère dans la carrière de Supertramp.