En 1973, Paul Stanley (guitare rythmique/chant) et Gene Simmons (basse/chant) mettent fin au groupe où ils se sont rencontrés, Wicked Lester. Pleins d'enthousiasme et décidés à conquérir le monde par le biais d'un hard rock bien lourd mais accessible et surtout de concerts particulièrement spectaculaires, les deux hommes recrutent alors Ace Frehley (guitare solo) et Peter Criss (batterie) et forment Kiss, répétant un paquet de morceaux écrits dans les deux années précédentes par Stanley et Simmons. Dès leurs premiers concerts, les quatre musiciens rencontrent le réalisateur, publiciste et producteur Bill Aucoin, lequel, très impressionné par leur prestation scénique, leur propose de devenir leur manager. Il leur obtient un contrat avec la maison de disques et de films nouvellement formée par un certain Neil Bogart, Casablanca Records.
"Kiss" est enregistré en 1973 mais ne sort qu'en février 1974. Le groupe délivre un hard rock aux riffs simples mais marquant et aux refrains bien accrocheurs. Aujourd'hui, certains se disent certainement que c'est du déjà entendu mais ça ne l'était pas à l'époque !
Mêlant la lourdeur de Black Sabbath au côté pop/rock de Sweet, Alice Cooper et des New York Dolls, "Kiss" n'est certes pas inoubliable, souffrant d'une production un peu inégale mais il contient pourtant plusieurs des futurs classiques qui resteront dans le répertoire live du groupe, notamment le riff basique de "Deuce", le pesant et dramatique "Black diamond" avec sa courte introduction calme et son solo de guitare final grandiose, le plus rock'n'roll "Strutter" ou encore le plus lent mais mémorable "Firehouse" (ces deux derniers seront complètement dynamités en live). En fait, un des titres les moins marquants est ce "Nothing to lose" rock'n'roll où figure la voix terriblement éraillée de Peter Criss à côté de celle Simmons, ainsi qu'un invité au piano. "Kissin' time", une reprise d'un vieux titre de 1959, est une tentative de hit "heavy pop" mais, quoique la mélodie soit sympathique, le morceau n'est guère au niveau des futurs standards du groupe.
Souvent le chant est assuré par celui qui a écrit le morceau (Stanley ou Simmons), à part les deux offerts à Peter Criss et deux autres sont chantés plus ou moins en commun par Stanley et Simmons. L'un comme l'autre ont une voix immédiatement reconnaissable. Simmons prend un timbre éraillé, assez grave et guttural, personnifiant son monstre démoniaque dans sa voix, même si on reste très loin des vocaux extrêmes de ces dernières années ! Stanley possède quant à lui une belle voix claire et puissante, à l'accent new-yorkais assez prononcé, qu'il n'hésite pourtant pas à rendre agressive. Ace Frehley ne chante pas encore à ce stade mais son unique morceau "Cold gin" est à la fois lourd et mélodique avec un bon solo de guitare et un des riffs les plus marquants du disque. Encore un morceau vraiment lourd aux riffs basiques mais inspirés qui sera un de leurs meilleurs moments en live. D'ailleurs, c'est un des talents de Frehley à l'époque : ses soli semblent écrits, originaux et marquants, pas forcément très compliqués mais parfois assez tarabiscotés. "Hundred thousand years" chanté d'une voix hargneuse par Stanley est au contraire plus heavy et rapide et annonce déjà quelques titres de "Destroyer". Le morceau sera l'occasion d'un long solo de batterie archétypique du metal pendant les concerts.
"Kiss" contient aussi une curiosité : un des très rares instrumentaux du groupe, le léger et très mélodique "Love theme from Kiss" avec ses guitares harmonisées.
Même si la plupart des morceaux de "Kiss" qui se retrouveront sur "Alive!" sont plus légers dans leur version studio, l'auditeur que les sons de foule trop présents sur les live agacent (c'est le gros défaut chez Kiss, surtout que c'est plus ou moins un bricolage) sera heureux de pouvoir les entendre dans leurs versions originales.
Inutile de dire que les CD remastérisés s'imposent, le travail effectué améliorant assez sensiblement le standard de l'enregistrement de base. Quelques éléments historiques ont été rajoutés, mais sont situés sous le centreur, qu'il faut donc retirer pour pouvoir lire convenablement… le livret étant toujours limité à la portion congrue, avec un simple feuillet plié. Mais il existe une version japonaise en papersleeve avec 7 morceaux live... Bref, le meilleur reste à venir mais le premier disque de Kiss est un opus tout à fait recommandable.