Après le décès du fondateur et chanteur du groupe, Mike Baker, plusieurs mois d'inquiétude ont mis à mal la patience des fans. Split ? Remplacement ? Le "départ" énigmatique de Chris Ingles, à propos duquel aucun autre membre n'a communiqué, n'aida pas à apaiser les esprits. Mais après des mois de silence, les membres du groupe ont enfin levé le voile : Shadow Gallery n'a pas disparu, Shadow Gallery existe, Shadow Gallery vit. Et de le prouver avec cet album inespéré, tout entier empreint d'un élan de pure magie, afin de rendre hommage de la plus belle des manières à leur regretté compagnon.
Dès le début de l'album, l'intensité si particulière de la musique de SG vous saute aux oreilles : turbulente, épique, nuancée... Cette ouverture remarquable qu'est "With Honor" n'a aucune peine à faire ressurgir des émotions qui vous ramènent au bon vieux temps de "Tyranny" ou de "Carved In Stone". Tout y est, des chœurs admirables aux solis mélodiques, des sons de clavier délicieusement rétro aux riffs musclés : pas de doute, c'est du pur Shadow Gallery ! Et la suite est à l'avenant ! Tous les ingrédients stylistiques ayant fait la renommée de cette formation pas comme les autres sont au rendez-vous, magnifiés cette fois par une production maison qui n'a aujourd'hui plus rien à se reprocher, et qui est probablement la réalisation la plus aboutie du tandem Wehrkamp/Allman à ce jour.
Littéralement étincelant, le son de cet album met en valeur des compositions toutes aussi soignées les unes que les autres, qui comme à l'accoutumée oscillent entre trademarks du métal progressif (les solis de "Venom" ou "Strong"), parties vocales Queen-esques ("With Honor", "Pain") et petites nouveautés épatantes, tel cet intermède jazz-rock dans "Digital Ghost", savoureux. Impossible également de ne pas faire mention de ce ton très AOR qui fait généralement toujours surface lors des refrains fédérateurs, à l'image de celui de "Gold Dust", ou lors des couplets entraînants, comme celui de "Strong". Toutes ces influences sont magnifiquement assimilées, et ne déparent jamais le "style SG", reconnaissable entre mille. Une identité déjà forte, inimitable pour certains, qui ne sera donc pas réduite à néant avec cet album.
Et qu'en est-il de ce mystérieux Brian Ashland, nouveau vocaliste ayant la si lourde tâche de remplacer Mike Baker ? Eh bien, ne vous rongez pas les sangs : il assure ! Bien qu'évoluant dans un registre très proche (parfois jusqu'à un mimétisme troublant, notamment dans les aigus), il possède son propre style et s'est de toute évidence intégré à merveille à sa nouvelle famille musicale. Une très bonne chose, qui rend pérenne une formation reconstituée et qui de fait n'est jamais apparue aussi soudée. A noter également, de nombreux invités : Clay Barton de Suspyre accompagne par exemple Carl Cadden-James au chant sur "Venom", et notre petit frenchie Vivien Lalu se fend s'un solo magistral sur "Gold Dust" ! Joe Nevolo, batteur historique du groupe, s'il n'a toujours pas rejoint ses camarades à temps plein (Wehrkamp assurant la batterie en intérim avec sa classe légendaire), a tout de même participé lui aussi, probablement pour participer à ce vibrant hommage à Baker. Citons encore Sdrjan Brankovic, rencontré sur le side-project Expedition Delta, et Ralf Scheepers (Primal Fear), qui apportent leurs touches respectives à "Strong". Une superbe galerie de talents qui vient ainsi parfaire une galette déjà au-delà de toutes les attentes.
En un mot comme en cent, voilà un album tout à fait FABULEUX, qui, non content de rassasier les fans de Shadow Gallery, privés de leur substance depuis 2005, ne peut que les rassurer quant au futur du groupe. Un retour en grâce aussi fantastique qu'inattendu, d'une beauté formelle et émotionnelle qui ne vous laissera pas insensible. Pour terminer, sachez que le CD bonus de l'édition spéciale propose les deux dernières pistes sur lesquelles vous aurez le plaisir, que dis-je, le privilège d'entendre la voix unique de Mike Baker. Gageons que ce dernier regarde aujourd'hui ses camarades de là-haut, son indéfectible sourire aux lèvres.