Depuis le démaquillage et le très bon "Lick It Up", Kiss semble être sur une pente savonneuse. Les ventes suivent le même chemin que la qualité des albums dans ce qui ressemble à une descente vers les enfers. Gene Simmons semble moins concerné par le groupe et accorde plus d'attention à sa carrière cinématographique, alors que dans le même temps, l'Amérique s'extasie devant un jeune groupe qui assurait pourtant les premières parties du baiser il n'y a pas si longtemps, un quintet venu du New Jersey nommé Bon Jovi. Il est donc grand temps pour Paul Stanley de trouver une solution pour relancer la machine. Profitant du moindre investissement de son compère à la grande langue, il prend le pouvoir et rompt l'équilibre régnant jusqu'à maintenant entre les deux leaders pour lancer Kiss dans une nouvelle direction.
Autant le dire, le résultat va diviser les amateurs du célèbre quatuor New-Yorkais, qui mâtine ici son Hard-Rock d'éléments FM plus ou moins discrets, Paul Stanley n'hésitant pas à se mettre aux claviers pour caresser le marché dans le sens du poil. Le coup est d'ailleurs parfaitement réussi avec la ballade mid-tempo "Reason To Live" qui squattera les charts avec un côté mielleux qui ne fera pas l'unanimité au sein de la Kiss Army. Nous y noterons cependant le beau solo d'un Bruce Kulick, premier guitariste à garder sa place pour plus d'un album depuis le départ officiel d'Ace Frehley, qui illumine régulièrement cet album. La plus marquante de ses interventions est l'intro de "No No No", un morceau digne de Van Halen, speed et efficace, et doté d'un refrain qui va droit au but. Il est également à noter que ce titre est un des rares interprétés par Gene Simmons au chant, ce dernier semblant essentiellement présent pour muscler le ton sur quelques morceaux visant à garder sa légitimité Hard-Rock au groupe. C'est le cas de "Hell Or High Water", "Good Girl Gone Bad" ou "Thief In The Night" aux accents plus heavy et à l'ambiance moins lisse.
Car la présence des claviers, si elle rend la musique de Kiss plus accessible aux radios US, a parfois le défaut d'en aseptiser le propos, comme sur un "My Way" qu'un nouvel excellent solo n'arrive pas à faire réellement décoller, ou sur un "Turn Of The Night" au refrain accrocheur mais tournant en rond sur son final. Stanley réussit cependant à toucher au but à plusieurs reprises, en particulier lorsqu'il revient à un Hard-Rock plus festif et dynamique sur lequel les refrains font mouche. C'est le cas d'un "Crazy Crazy Night" aussi efficace que simpliste ou d'un "Bang Bang You" particulièrement catchy. De son côté, "I'll Fight Hell To Hold You" vient prouver que le hard FM peut se faire plus musclé et mieux coller à l'image de l'ex combo maquillé.
Vous l'aurez compris, cet album ne laissera pas indifférent. Les intégristes crieront à la trahison malgré la qualité de l'ensemble. Les autres, s'ils ne fermeront pas les yeux sur quelques titres plus mièvres ("When Your Walls Come Down"), apprécieront une prise de risque qui, si elle est guidée par des intentions commerciales, redonne cependant un côté plus dynamique à la musique du légendaire quatuor.