Après son départ de Supertramp, Roger Hodgson n’avait mis qu’un an à sortir In The Eye Of The Storm, un album remarqué par les fans et salué comme le gardien de l’esprit du groupe. Après ce coup d’éclat, Roger attendra trois années avant de faire paraître Hai Hai, et l’impatience est grande pour savoir quelle sera la direction prise par celui qui reste l’un des leaders d’un groupe emblématique.
Sur la couverture, un portrait de l’artiste, pour la première fois, comme pour signifier que l’opus sera plus personnel. Pourtant, le line-up, à la différence de In The Eye Of The Storm où Roger faisait tout, tout seul, est ici très fourni, avec des noms prestigieux comme Lenny Castro aux percussions, ou quatre des membres de Toto (Jeff et Steve Porcaro, David Paich et Leland Sklar), ainsi qu'un certain Joseph Pomfret sur certaines sections de batterie - en fait Roger himself sous un surnom. Les titres sont courts, et le style quitte l’orientation para-progressive dont Roger avait su faire montre aussi bien dans Supertramp que dans son premier album : ici, le ton est résolument pop, beaucoup plus formaté et nettement moins expérimental dans la composition. Les arrangements se rapprochent de ce que l’on entend vers la même époque avec des groupes comme Barclay James Harvest (les claviers de Puppet Dance), Toto (Hai Hai) ... ou Téléphone (My Magazine) !
La rupture de style n’est pas totale : pour l’anecdote, Land Ho a été co-écrit avec Rick Davies et initialement prévu pour être inséré dans Crisis ? What Crisis ?. D’autres titres rappellent fortement la dernière façon de Supertramp : London a un gros air du morceau Breakfast In America, Puppet Dance baigne dans la même atmosphère que Famous Last Words....
Et pourtant, la sauce a du mal à prendre : le savoir-faire est présent, les arrangements et la production sont tout à fait corrects, mais tout cela paraît trop commun, assez convenu, passablement formaté, en un mot trop commercial.House On The Corner est un titre quelconque, démonstratif de ce rabotage de qualité, sans parler du très médiocre Land Ho qui aurait pu rester dans les oubliettes. Surnagent quelques jolies mélodies, plutôt dans le registre mélancolique : Puppet Dance, Desert Love ou London. C’est peu, et l’album apparaîtra aux yeux des fans comme un noyade dans l’océan des productions anonymes.
L’accueil plus que frais réservé à l’album, et un grave accident (double fracture des poignets) va éloigner Roger Hogdson des studios et des scènes pendant de longues années; il reviendra en 1997 avec un bel album live, proposant à la fois d’anciens titres (y compris certains de Supertramp) et des créations. Roger nous devait bien cette revanche !