A ceux qui annonçaient l’effondrement de Supertramp suite au départ de Roger Hodgson, "Brother Where You Bound" a apporté un superbe démenti. Ambitieux, expérimental, énergique, mélodieux, autant d’adjectifs qui décrivent ce premier album avec Rick Davies seul aux commandes du désormais quatuor. Autant dire que les espoirs sont grands à l’arrivée de son successeur. La présence sur la pochette d’une photo de George Braque travaillant sur l’un de ses oiseaux dans son atelier, laisse d’ailleurs augurer d’un contenu artistique à la hauteur.
Et pourtant, Supertramp reste un groupe imprévisible. Ainsi, qui aurait pu prévoir la sortie du commercial "Breakfast In America" après le monumental "Even In The Quietest Moments…" ? Dans le même esprit, voici que déboule ce "Free As A Bird" œuvrant dans une pop légèrement jazzy, alors que nous attendions de Davies et sa bande qu’ils approfondissent le sillon progressif creusé sur "Brother Where You Bound". Alors bien sûr, comme l’indique le titre de cet opus, Supertramp est un groupe libre qui va où il souhaite aller, et le succès de "Breakfast In America" l’a renforcé dans cet état d’esprit alors que les intégristes du mouvement progressif l’avaient fusillé sans sommation pour haute trahison. Oui, mais "Breakfast In America" était un véritable recueil de hits et il se concluait sur un fabuleux "Child Of Vision" justifiant à lui seul son achat.
Ici, la grande majorité des titres peut être qualifiée de sympathique et d’agréable, mais dépasse rarement ce palier. L’arrivée de Mark Hart est loin de compenser l’absence de Roger Hodgson comme le prouve un "Where I Stand" co-écrit et chanté (avec difficultés) avec Rick Davies. Seul "An Awful Thing To Waste" vient conclure ces 9 titres avec un brin d’ambition du haut de ses presque 8 minutes, et encore, certains passages ressemblent à du recyclage d’éléments présents sur "Brother Where You Bound". Pour le reste, l’écoute est agréable mais on en retient pas grand-chose, en dehors de l’introductif "It’s Alright" aux percussions ensoleillées et au refrain enjoué, et de l’entraînant single "I’m Beggin’ You", à la fois frais et naïf.
Il est donc clair que cet album sera la cible privilégiée des ayatollahs du rock progressif auxquels nous ne pourrons pas donner entièrement tort étant donné le peu d’ambition dont Supertramp fait ici preuve. Nous accorderons cependant quelques crédits au légendaire combo du fait de la qualité de la production et de l’interprétation (les interventions de John Helliwell sont toujours aussi lumineuses), et surtout, en raison du caractère agréable de l’écoute de ces 9 titres. Cependant, pour un groupe de ce standing, nous étions en droit d’espérer beaucoup mieux. Souhaitons maintenant que la revanche que nous doivent Davies & Co. ne soit pas trop longue à venir.