Une pochette pour bikers affichant la poitrine nue d’une femme tatouée de toute part, des musiciens velus voire franchement patibulaires pour certains d’entre eux (mention spéciale pour Rick Davies et le percusionniste Kevin Currie)... C’est dire si, de part ses atours visuels, Indelibly Stamped tranche avec le reste de la discographie de Supertramp, marquée par le bon goût et l’élégance.
Gravé un an après un album éponyme qui n’a pas rencontré le succès escompté et dont il connaîtra au final un sort commercial similaire, il serait tentant de ne voir en cette seconde cuvée qu’une simple resuccée de son aîné. Or, outre le fait que les Britanniques n’ont jamais enfanté deux fois le même disque, Indelibly Stamped se révèle tout de même assez différent de son prédécesseur.
Nous sommes en 1971 et Supertramp n’a pas encore fixé son identité tant sonore que visuelle. Pourtant, bien qu’il s’avère un peu inférieur à son aîné, il est permis de déceler déjà dans cet opus des indices et des détails de l’évolution future qui aboutira comme chacun le sait sur ce rock (un peu) progressif des plus personnels. On peut noter ainsi, alors que la majorité des pistes vocales étaient avant assurées par Roger Hodgson, que Rick Davis partage désormais avec son comparse le chant au point d'être présent sur la plupart des titres. De même, de part sa variété et le recours encore discret à un saxophone tenu par Dave Winthrop comme sur "Forever", Indelibly Stamped confirme qu’il est bien un jalon important dans la carrière du groupe, ciment entre un premier essai très psyché et un Crime Of The Century qui trois ans plus tard, établira définitivement sa signature.
Constitué de dix pistes, l’album pourra paraître un peu décousu alignant aussi bien des titres enlevés portés par la voix de Davies tels que le bluesy "Your Poppa Don’t Mind" en guise d’ouverture, "Potter" ou "Remember", à l’ambiance live et aux contours assez durs qui étonnent de la part des Anglais, que des perles plus feutrées, plus réussies également, guidées par le chant plus fragile de Hodgson, à l’image du magnifique "Travelled", de la ballade épurée "Rosie Has Everything Planned" et surtout du long et terminal "Aries", le morceau le plus psychédélique du lot, rythmé par des percussions hypnotiques et que rehausse une flute envoûtante qui s’accouplent en un final instrumental s’éteignant peu à peu. Apogée de l’écoute, il permet à l’album de se clore en beauté.
Malgré de bons morceaux mêlant Rock et Rhythm & Blues, Indelibly Stamped souffre de l'émiettement de ses ambiances et de ses couleurs. Bien qu'également très variés, les disques suivants, plus homogènes et suivant eux un fil conducteur précis, corrigeront cette faiblesse. A l'instar du galop d'essai, il ne mérite cependant pas l'oubli dans lequel il est tombé, le groupe n'ayant absolument pas à rougir de sa qualité. Car derrière les maladresses, on devine un talent réél qui ne demande qu'à s'extraire de sa gangue. Mais, face à son son échec commercial, Davies et Hogdson se sépareront des trois autres membres afin de repartir de zéro. Dès l'année suivante, ils partiront à la recherche de nouveaux musiciens. La suite, vous la connaissez...